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Non, l’Organisation Mondiale de la Santé n’a pas reconnu l’aliénation parentale

Mise à jour : le 15 février 2020, L’Organisation Mondiale de la Santé a supprimé l’aliénation parentale de l’index de sa classification. Pour en savoir plus

Le 25 mai 2019, lors de son assemblée générale à Genève, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) votait la révision du classement international des maladies (CIM-11).

L’OMS a décidé de ne pas reconnaître l’aliénation parentale dans le CIM-11, néanmoins ses partisan.e.s ont immédiatement lancé une campagne de désinformation.

Comme déclarait Pierre-Guillaume Prigent, un de nos membres, le 4 juin 2019 : « que des associations militant pour la reconnaissance de l’aliénation parentale produisent des visuels mensongers [tel que celui ci-dessous], et que la même argumentation soit reprise par des spécialistes de l’aliénation parentale est éthiquement et scientifiquement très problématique ».

Par exemple, l’ACALPA, une association qui milite pour la reconnaissance de l’aliénation parentale, prétend que l’OMS a récemment reconnu l’aliénation parentale. Elle se sert du logo de l’OMS pour se donner de la crédibilité.

L’association « J’aime mes deux parents », qui milite également pour la reconnaissance de l’aliénation parentale, prétend que l’OMS a récemment reconnu l’aliénation parentale.

Cette campagne de désinformation en France, comme nous l’avions souligné le 5 juin, viserait par ailleurs à intervenir auprès de Nicole Belloubet afin qu’elle corrige la fiche intranet du 28 mars 2018 sur le SAP.

Or, l’aliénation parentale n’est présente que dans l’index de la Classification de l’OMS, et n’y est pas définie, ce qui veut dire qu’elle n’est pas reconnue par l’Organisation, comme le montrent les deux captures d’écran dans ce tweet et le débunkage réalisé fin mai.

L’OMS est claire :

L’index alphabétique est une liste d’environ 120 000 termes cliniques (comprenant des synonymes ou expressions). L’index est utilisé pour trouver les codes ou combinaisons de codes CIM pertinents pour les termes. La mention d’un terme dans l’index sert exclusivement au codage. La mention d’un terme dans l’index ne signifie pas l’approbation ou l’endossement d’une condition particulière.

De plus, l’intitulé « Caregiver-child relationship problem », « Problème relationnel entre un pourvoyeur de soins et un enfant » est situé dans le chapitre 24 de la Classification. Ce chapitre est lui-même intitulé « Factors influencing health status or contact with health services », « Facteurs influençant l’état de santé ou le contact avec les services de santé », ce qui signifie qu’il ne s’agit ni d’un syndrome ni d’un trouble : il s’agit seulement d’un facteur de contexte. Et la définition de ce « problème relationnel » ne correspond à aucune des définitions de l’aliénation parentale donnée par ses promoteurs. De plus, l’aliénation parentale elle-même n’est jamais définie dans la Classification.

Rappelons que l’aliénation parentale est un concept qui n’est pas fondé scientifiquement. La présence de ce concept dans l’index a alerté  de nombreux chercheurs et chercheures qui se sont  adressé.e.s à l’OMS dans une lettre ouverte internationale.

Cette note de synthèse montre le manque de rigueur scientifique des études réalisées par les promoteurs de l’aliénation parentale (méthodologie, recrutement des personnes interrogées, etc…), ainsi que l’existence de conflits d’intérêts. En effet, ce sont parfois des personnes qui dirigent des programmes contre l’aliénation parentale qui souhaitent qu’elle soit reconnue. La lettre ouverte a été signé par des centaines de structures de lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants qui constatent d’un pays à l’autre les conséquences dramatiques de la mobilisation de ce pseudo-concept dans les tribunaux de la famille.

Le mémo se conclut ainsi :

L’inclusion de l’expression « aliénation parentale » où qu’elle soit dans la CIM-11 est susceptible de renforcer les tendances destructrices existantes dans les tribunaux de la famille qui causent aux enfants et à leurs pourvoyeurs de soins des préjudices. De plus, les préoccupations validées empiriquement au sujet du manque de fiabilité du concept pourraient remettre en question la crédibilité scientifique de l’Organisation mondiale de la santé ainsi que la fiabilité de la Classification internationale des maladies.

Plusieurs recherches confirment en effet que l’aliénation parentale peut être utilisée comme stratégie d’occultation de la violence conjugale. Le 26 avril 2018, le forum « L’aliénation parentale : une menace pour les femmes et les féministes ?« , organisé à l’Université du Québec à Montréal (UQÀM), a fait le point sur le concept d’aliénation parentale et sa mobilisation dans les situations de violence conjugale au Québec, en Europe et au Brésil. Il est ressorti des interventions des treize intervenant.e.s que l’aliénation parentale est un concept qui « invalide, nie et occulte les propos et les craintes exprimés par les femmes et les enfants face à la violence des hommes » (p. 4) ; que « la mobilisation du concept d’aliénation parentale dans les situations de violence conjugale met le meilleur intérêt des enfants en second plan, derrière l’intérêt des pères ayant des comportements violents » (p. 5) ; que « l’utilisation du concept est rendue possible en grande partie par la non-compréhension et par le manque de reconnaissance de la violence des hommes à l’endroit des femmes et des enfants, ainsi que par la confusion qui règne entre la violence conjugale et les conflits sévères de séparation » (p. 6) ; que « les multiples vocables pour faire référence à l’aliénation parentale facilitent son utilisation dans les situations de violence conjugale » (p. 8) ; que « la popularisation du concept est liée aux revendications des masculinistes et au lobby des groupes de défense de droits des pères » (p. 9).

Une étude réalisée par la professeure de droit américaine Joan S. Meier confirme les témoignages de femmes qui dénoncent la tendance des tribunaux de la famille à mettre sur un second plan la sécurité des enfants. L’étude confirme également que les accusations d’aliénation parentale mobilisées par les pères en défense sont efficaces pour occulter leur violence.

Le Réseau International des Mères en Lutte
Article révisé le 22 février 2020