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Rejet de la notion d’ « aliénation parentale » par les expert-es du MESECVI

Extrait du Communiqué de presse du 12 août 2022

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L’usage de l’aliénation parentale1 fait l’objet non seulement de critiques quant à ses fondements théoriques et idéologiques, mais également de préoccupations pour la sécurité des victimes de violences de genre dans sa mobilisation dans les procédures socio-judiciaires.

En Europe la résolution du parlement européen sur les conséquences des violences conjugales et des droits de garde sur les femmes et les enfants, puis le troisième rapport général du GREVIO2 (GREVIO, 2022, p. 47-56) soulignent que la minimisation des violences devant les tribunaux aux affaires familiales est liée à l’utilisation de cette notion.

Sur une partie du continent américain, en Amérique Latine et aux Caraïbes, le comité d’expert-es du MESECVI, chargé de l’analyse et de l’évaluation du processus de mise en œuvre de la Convention interaméricaine de Belém do Pará, alerte à son tour des conséquences de la mobilisation de la notion d’aliénation parentale dans un communiqué de presse co-rédigé avec Reem Alsalem3, rapporteure spéciale des Nations Unis.

La Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme (Convention Belém do Pará)

L’élaboration de la Convention Belém do Pará a lieu au moment de la Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes des Nations Unis (Landro, 2015, p. 83). Il s’agit du « premier traité international qui reconnaît que la violence contre la femme est une violation des droits fondamentaux et la définit de façon détaillée » (Landro, 2015, p. 84).

Cette convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme (ou Convention Belém do Pará) est rédigée le 9 juin 1994 au Brésil, à Belém do Pará, lors de la vingt-quatrième session ordinaire de l’Assemblée Générale de l’Organisation des États américains. Elle est ensuite adoptée le 6 septembre 1994 puis entre en vigueur le 5 mars 1995.

Les pays membres de l’Organisation des États Américains, à l’exception du Canada et des États-Unis, ont tous ratifié ou adhéré à la Convention Belém do Pará. Les pays qui l’ ont ratifié sont donc : Argentine, Barbade, Bolivie, Brésil, Chili, Costa Rica, Dominique, Équateur, El Salvador, Grenade, Guatemala, Guyana, Honduras, Jamaïque, Mexique, Nicaragua, Panama, Paraguay, Pérou, République dominicaine, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie, Suriname, Trinité-et-Tobago, Uruguay, Venezuela. Antigua-et-Barbuda, Bahamas, Belize, Colombie, Haïti ont quant à eux adhéré à la Convention.

Cet instrument novateur, juridique et contraignant est constitué de cinq chapitres et vingt-cinq articles. La Convention Belém do Pará reconnaît dans son préambule que les violences contre les femmes4 est une violation des droits de l’homme et des libertés fondamentales, nous soulignons :

RECONNAISSANT que le respect illimité des droits de l’homme a été consacré dans la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme et dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, et qu’il a été réaffirmé dans d’autres instruments internationaux et régionaux ;

AFFIRMANT que la violence contre la femme constitue une violation des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en même temps qu’elle impose totalement ou partiellement des restrictions à la reconnaissance, la jouissance et l’exercice de ces droits ;

PRÉOCCUPÉS par le fait que la violence contre la femme constitue une offense à la dignité humaine et est une manifestation des rapports de pouvoir historiquement inégaux entre les hommes et les femmes ;

RAPPELANT la Déclaration sur l’élimination de la violence contre la femme, adoptée par la vingt-cinquième Assemblée des délégués de la Commission interaméricaine des femmes, et affirmant que la violence contre la femme touche tous les secteurs de la société, quels que soient leur classe sociale, leur race ou groupe ethnique, leur niveau de revenus, leur culture, leur âge ou leur religion, et a des incidences sur ses bases mêmes ;

CONVAINCUS que l’élimination de la violence contre la femme est indispensable à son épanouissement individuel et social et à sa participation pleine et égalitaire à toutes les sphères d’activité de la vie ;

CONVAINCUS que l’adoption d’une convention visant à prévenir, à sanctionner et à éliminer toutes les formes de violence contre la femme dans le cadre de l’Organisation des États Américains, contribue de manière constructive à la protection des droits de la femme et à l’élimination des situations de violence qui pourraient l’affecter […]

En ce qui concerne la nature des violences, la Convention Belém do Pará en donne une définition « incluant ses diverses modalités : physiques, sexuelles et psychologiques » (Landro, 2015, p. 84). Elle réaffirme par ailleurs dans l’article 5 que ces violences faisaient obstacles aux droits des femmes :

Article 5 :

Toute femme peut exercer librement et pleinement ses droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels et se prévaloir de la protection totale des droits consacrés dans les instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’homme. Les États parties reconnaissent que la violence contre la femme entrave et annule l’exercice de ces droits.

Les États parties sont enfin contraints par les articles 7 et 8 à adopter « par tous les moyens appropriés et sans délais injustifiés, une politique visant à prévenir, à sanctionner et à éliminer » les violences faites aux femmes.

La mise en œuvre de ce traité nécessite un processus d’évaluation et de soutien. Le MESECVI est alors créé en 2004 : il est composé d’expert-es indépendant-es, nommé-es par chacun des États parties parmi leurs ressortissants, qui exercent leurs fonctions à titre personnel.

Le Comité d’expert-es du MESECVI et la rapporteure spéciale des Nations Unies rejettent l’usage de l’aliénation parentale

Le 12 août 2022 le MESECVI et Reem Alsalem « expriment leur inquiétude quant à l’utilisation illégitime du concept de syndrome d’aliénation parentale à l’encontre des femmes » et engagent la responsabilité des États signataires de la Convention de Bélem.

Tweet du 12 août 2022 du MESECVI

Leur communiqué de presse stipule que

l’utilisation du concept controversé de syndrome d’aliénation parentale à l’encontre des femmes lorsqu’elles dénoncent des violences sexistes à leur encontre, ou à l’encontre de leurs filles et de leurs fils, fait partie du continuum de la violence fondée sur le genre et pourrait engager la responsabilité des États en matière de violence institutionnelle.

En effet ces expert-es ont eu connaissance de nombreuses situations où des instances judiciaires avaient pris en compte la notion d’aliénation parentale. Les principales conséquences de cet usage sont le transfert de la résidence des enfants chez le père accusé de violences ou l’imposition d’une garde partagée même dans les situations où la mère et les enfants courent un risque pour leur sécurité.

De fait le MESECVI et la Rapporteure spéciale Reem Alsalem « invitent instamment les États parties […] à mener des enquêtes rapides et exhaustives pour déterminer l’existence de la violence à l’égard des femmes et à interdire explicitement l’utilisation, au cours des procédures judiciaires, de preuves visant à discréditer un témoignage fondé sur le syndrome d’aliénation parentale, comme le recommande la ‘Déclaration sur la violence à l’égard des femmes, des filles et des adolescentes et sur leurs droits sexuels et reproductifs‘ ».

Ils « exhortent les États à éliminer l’utilisation de ce syndrome pour éviter de placer tant les enfants que les mères dans une situation de grande vulnérabilité ». Ils recommandent enfin « de donner la priorité aux principes de l’intérêt supérieur de l’enfant, de l’égalité entre les hommes et les femmes et d’agir avec la diligence requise, ainsi que d’inclure la perspective de genre et intersectionnelle ».

En parallèle, des promoteurs de la notion d’ aliénation parentale par l’intermédiaire du Parental Alienation Study Group envisagent de faire pression, de nouveau, pour l’inclure dans le DSM-5-TR sous une nouvelle appellation, à savoir le PARP (Parental Alienation Relational Problem). William Bernet et Amy Baker viennent de rédiger un document où ils proposent que l’aliénation parentale soit considérée comme un problème relationnel dans le chapitre du DSM-5-TR intitulé ‘Autres affections pouvant faire l’objet d’une attention clinique’. Ils demandent que « la formulation proposée pour le problème relationnel d’aliénation parentale (PARP) [soit incluse sous le terme] Z62.898 Problème relationnel d’aliénation parentale » (Bernet & Baker, 2022, p. 2).

Si la sécurité et la liberté des victimes de violences de genre sont au cœur des préoccupations des ONG, des institutions comme le MESECVI, le GREVIO, et des rapporteur-es de Nations Unies, les partisans de la notion d’aliénation parentale adaptent leurs discours et leurs stratégies face aux mises en garde légitimes, et d’une ampleur croissante dans le monde.

  1. Nous écrirons aliénation parentale tout au long du texte. Face aux critiques, les partisans de la reconnaissance du « syndrome » suppriment le terme, pour autant l’origine et le sens n’en sont pas fondamentalement changés.
  2. Le GREVIO est l’organe spécialisé indépendant qui est chargé de veiller à la mise en œuvre, par les Parties, de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul). Il élabore et publie des rapports dans lesquels il évaluera les mesures d’ordre législatif et autres prises par les Parties pour donner effet aux dispositions de la Convention.
  3. Reem Alsalem a été nommée, par le Conseil des droits de l’homme en juillet 2021 de l’ONU, Rapporteure spéciale des Nations unies sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences. Son mandat pour trois ans a débuté le 1er août 2021.
  4. Le texte de la Convention de Bélem parle de violence contre la femme, nous indiquerons dans l’article « violences contre les femmes » dans la présentation du traité.

Bibliographie

Bernet, William & Baker, Amy (22 août 2022). Proposal for Parental Alienation Relational Problem to be Included in “Other Conditions That May Be a Focus of Clinical Attention”
in DSM-5-TR. Repéré à https://pasg.info/app/uploads/2022/08/Proposal-2022-08-22.pdf Consulté le 23 août 2022.

Committee of Experts of the Follow-up Mechanism to the Belém do Pará Convention (MESECVI) (2014). Declaration on violence against women, girls and adolescents and their sexual and reproductive rights. Repéré à https://belemdopara.org/wp-content/uploads/2021/12/DeclaracionDerechos-EN.pdf Consulté le 12 août 2022.

Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme (Convention Belém do Pará) (1994). Repéré à http://cidh.oas.org/Basicos/French/m.femme.htm Consulté le 12 août 2022.

GREVIO (2022). 3ème Rapport général sur les activités du GREVIO. Repéré à https://www.coe.int/fr/web/istanbul-convention/-/3rd-general-report-on-grevio-s-activities Consulté le 14 juin 2022.

MESECVI & the Special Rapporteur on Violence against Women and Girls of the United Nations (12 août 2022). The Committee of Experts of the MESECVI and the Special Rapporteur on Violence against Women and Girls of the United Nations express their concern about the illegitimate use of the concept of parental alienation syndrome against women. Repéré à https://belemdopara.org/wp-content/uploads/2022/08/Communique-Parental-Alienation.pdf Consulté le 12 août 2022.

Lando, Sandra (2015). La Perspective de Genre dans la Jurisprudence Interamericaine en Application de la Convention Belem Do Para. Revue québécoise de droit international/Quebec Journal of International Law/Revista quebequense de derecho internacional, 28(2), 81-111.

Résolution du Parlement européen du 6 octobre 2021 sur les conséquences des violences conjugales et des droits de garde sur les femmes et les enfants. Repéré à https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2021-0406_FR.html Consulté le 6 octobre 2021.

Gwénola Sueur, Réseau International des Mères en Lutte, 24 août 2022

Pour citer cet article :

Sueur, G. (24 août 2022). Rejet de la notion d’ « aliénation parentale » par les expert-es du MESECVI, Réseau International des Mères en Lutte. Repéré à https://reseauiml.wordpress.com/2022/08/24/rejet-de-la-notion-d-alienation-parentale-par-les-expert-es-du-mesecvi/ [billet de blog].

Maj : 10 décembre 2022

Le Conseil fédéral du service social brésilien (CFESS) s’est positionné par rapport à la loi Aliénation Parentale (12.318/2010). Le CFESS est un organisme publique fédérale qui a pour attribution d’orienter, de discipliner, de réguler, de superviser et de défendre l’exercice professionnel des travailleurs sociaux au Brésil, conjointement avec les Conseils régionaux du service social (CRESS). Son positionnement fait suite à une réunion en février 2022 qui a mis en évidence les conséquences dans les domaines scientifiques, juridiques, politiques et sociaux de la loi 12.318/2010. Une note technique de 30 pages informe désormais les travailleurs sociaux et les invite à ne plus utiliser cette notion. Le CFESS demande également en conclusion de la note (page 27) l’abrogation de la loi 12.318/2010.

Tweet du 8 décembre 2022 du CFESS – Conselho Federal de Servico Social









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Les conséquences de l’usage de l’aliénation parentale en Espagne

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Extrait du courrier adressé à l’État espagnol – 24 novembre 2021

En Europe plusieurs institutions alertent concernant l’usage de la pseudo-théorie de l’aliénation parentale. Nous vous proposons de faire le point.

En ce qui concerne les conséquences de l’usage de la notion pour les victimes de violences, des courriers des Nations Unies furent envoyés, à plusieurs reprises, à l’État Espagnol.

« Les tribunaux espagnols doivent protéger les enfants contre la violence domestique et les abus sexuels, affirment les experts de l’ONU »

Le 9 décembre 2021 huit expert-es des Nations Unies publient un document sur leur site web. Les expert-es font le constat que les enfants sont exposés à la violence conjugale et aux abus sexuels en raison d’un système judiciaire qui ne parvient pas à les protéger des pères violents.

Ces expert-es sont : Reem Alsalem, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, Melissa Upreti (présidente), Dorothy Estrada Tanck (vice-présidente), Elizabeth Broderick, Ivana Radačić et Meskerem Geset Techane, membres du Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles, Tlaleng Mofokeng, Rapporteuse spéciale sur le droit à la santé physique et mentale et Nils Melzer, Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Nous déposions le 11 décembre 2021 une rapide traduction de ce document sur les réseaux sociaux :

Réseau International des mères en lutte – Facebook – 11 décembre 2021

Ce courrier vient également d’être souligné par la Docteure Catherine Bonnet et le Docteur Jean-Louis Chabernaud dans la mise à jour de leur pétition, que nous vous invitons à lire.

Les expert-es des Nations Unies suivent la situation espagnole depuis près de dix ans et continuent ainsi d’être informé-es de nouveaux cas de mères qui perdent la résidence de leurs enfants au profit de pères violents.

Réseau International des mères en lutte- Tweeter – 29 mai 2021

Le document revient sur l’usage de l’aliénation parentale dans les situations de violences. Il stipule en effet que « si le concept d’aliénation parentale est théoriquement neutre du point de vue du genre, les recherches menées en Espagne et les avis des experts qui suivent la question ont démontré que dans un certain nombre de pays, dont l’Espagne, des mères ont été régulièrement accusées de recourir à l' »aliénation parentale », en accusant à tort les pères de leurs enfants de commettre des abus sur les enfants dans le cadre de litiges relatifs à la garde ».

Par ailleurs les rapportrices et rapporteurs de l’ONU se montrent particulièrement préoccupé-es par la situation d’une mère et de sa fille.

Le courrier des quatre rapporteurs des Nations Unis du 24 novembre 2021

La communication envoyée le 24 novembre 2021 au gouvernement espagnol par les quatre rapporteurs spéciaux sur la situation de Mme Diana García et de sa fille, dans laquelle l’influence de la théorie de l’aliénation parentale est notée, est rendue publique et annoncée sur Twitter le 26 janvier 2022 par Reem Alsalem.

Reem Alsalem – Tweeter – 26 janvier 2022

Ce courrier de 7 pages, auquel s’ajoutent 7 pages d’annexes est rédigé par Tlaleng Mofokeng, Rapporteuse spéciale sur le droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, Nils Melzer, Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Reem Alsalem, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences et Melissa Upreti, Présidente du Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles.

Diana García et sa fille

Diana García est une victime de violences conjugales. Elle rencontre monsieur en 2006, un enfant va naître en 2015, une petite fille. Le courrier relate les violences et le contrôle coercitif exercés par son ex-partenaire intime (page 1) ainsi que des menaces de mort. Elle a ensuite dénoncé son ex-partenaire, dont elle s’est séparée en 2019, pour avoir abusé sexuellement l’enfant. L’école de l’enfant a signalé en février 2019 les propos de l’enfant. Diverses évaluations médicales et psychologiques au cours des dernières années ont corroboré, d’après les rapporteurs des Nations Unis, la véracité du récit de l’enfant (page 3).

Malgré toutes ces indications, le 12 mars 2021, le tribunal de Pozuelo a clos l’enquête pénale, déclarant que le récit de l’enfant n’était pas plausible (page 3). Les rapports établis par l’équipe psychosociale attachée au tribunal et par la Guardia Civil, ont indiqué que la jeune fille avait donné un témoignage « incohérent et inconsistant » (page 4). Pour cette raison, le jugement de divorce, rendu en juillet 2021, bien qu’il reconnaisse les antécédents de violence sexiste à l’encontre de Mme García, accorde la garde de l’enfant au père et a établi un régime de visite pour la mère au motif que « la mère ferait obstacle aux contacts père-fille, ce qui serait contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant » (page 4).

Les quatre rapporteurs se déclarent « profondément préoccupés par l’intégrité physique et mentale de la mère et de la fillette » (page 4) et par ce qui « semble refléter des tendances plus larges dans le système judiciaire espagnol » qui indiqueraient une interprétation discriminatoire de la loi par les opérateurs juridiques et des travailleurs sociaux « basée sur des préjugés et des stéréotypes de genre » (page 4). Les rapporteurs constatent en effet un « schéma structurel » dans le système judiciaire espagnol qui ne protège pas les enfants et discrimine les femmes.

L’aliénation parentale

La lettre rappelle par ailleurs que la situation de Diana García n’est pas un cas isolé. En effet les Nations Unies ont demandé au gouvernement espagnol des explications sur l’utilisation des stéréotypes de genre dans le système judiciaire et plus particulièrement sur l’utilisation généralisée du syndrome d’aliénation parentale à de nombreuses reprises (page 4).

Les quatre rapporteurs soulignent ainsi que « le raisonnement fondé sur la logique du prétendu syndrome d’aliénation parentale continuerait en pratique à être appliqué dans les décisions judiciaires, punissant les mères qui sont perçues comme empêchant le contact entre les parents et leurs enfants » malgré l’interdiction d’en faire usage depuis la Loi organique 8/2021 sur la protection des enfants et des adolescents contre la violence de juin 2021 (page 4-5).

Les rapporteurs des Nations Unies évoquent les tendances des professionnel-les des tribunaux de la famille à privilégier la coparentalité au détriment de la sécurité des victimes. Pour les rapporteurs ces pratiques affectent « également les résultats des décisions judiciaires, appliquant souvent la logique de l’aliénation parentale dans leur analyse sans la nommer » (page 5). Nous soulignons que la recherche empirique commence à permettre d’appuyer ces inquiétudes.

En Espagne la chercheuse Glòria Casas Vila, citée dans le courrier, montre ainsi à partir de son corpus de thèse que « plusieurs femmes ont été accusées de manipuler les enfants qui ne voulaient pas voir leur père » (Casas Vila, 2019, p. 6). En analysant la jurisprudence et les statistiques judiciaires, la chercheuse conclut en 2019 que les droits des enfants « sont souvent bafoués, subordonnés à ceux de leur père (autorité parentale, droit de garde ou de visite) » (Casas Vila, 2019, p. 8-9).

Le gouvernement espagnol considère néanmoins dans une réponse de 24 pages , adressée au Secrétariat des Nations Unis le 27 janvier 2022, qu’il ne partage pas cette conclusion dans la mesure où il considère qu’il s’agirait de cas isolés (page 22).

Bibliographie :

Casas Vila, G. (2018). Violences machistes et médiation familiale en Catalogne et en Espagne  : enjeux de la mise en œuvre d’un cadre légal d’inspiration féministe [thèse de doctorat en sciences sociales]. Lausanne, Suisse.

Casas Vila, G. (2019). Parental Alienation Syndrome in Spain: opposed by the Government but accepted in the Courts. Journal of Social Welfare and Family Law, 42(1), 45‑55.

Koham M. (2022). La ONU pide explicaciones a España por usar el Síndrome de Alienación Parental y desproteger a una madre y su hija. Publico.

Le Réseau International des Mères en Lutte

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Qu’est-ce que le contrôle coercitif ?

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Cet article reprend des éléments tirés de nos recherches en cours et de nos formations. Afin de ne pas alourdir le texte, nous n’avons cité que quelques références. Les citations ont été traduites de l’anglais par nos soins, sauf mention contraire. Nous remercions Marie-Chanel Gillier pour sa relecture.

Pour citer cet article : Sueur, G. et Prigent, P.-G. (2020, juin 23). Qu’est-ce que le contrôle coercitif ? Réseau International des Mères en Lutte. https://reseauiml.wordpress.com/2020/06/23/quest-ce-que-le-controle-coercitif/

Gwénola Sueur et Pierre-Guillaume Prigent

Le concept de contrôle coercitif, actualisé en 2007 par le chercheur américain Evan Stark, est repris dans plusieurs législations au Royaume-Uni.  Ce concept a été pensé et nommé par d’autres que lui, notamment des militantes et chercheuses féministes à partir des années 1970 aux États-Unis. Ce modèle est aujourd’hui utilisé par des survivant-e-s de violence et des intervenant-e-s. Il sert également de grille d’analyse à des chercheur-e-s. Le Réseau International des Mères en Lutte mobilise ce modèle depuis plusieurs années et diffuse régulièrement des informations à ce sujet. Il existe par ailleurs aujourd’hui « un intérêt international croissant pour traduire le concept de contrôle coercitif […] en politique et pratique de justice pénale » (Barlow et al., 2020).

Comment définir le contrôle coercitif ?

Evan Stark débute son ouvrage en racontant l’histoire de Terry Traficonda, tuée par son conjoint en 1989. Il déclare qu’elle était « otage dans sa propre maison« , cette comparaison ayant pour but de nous aider à mieux comprendre le mécanisme.

Le contrôle coercitif est une « conduite calculée et malveillante déployée presque exclusivement par les hommes pour dominer une femme, en entremêlant des violences physiques répétées avec trois tactiques tout aussi importantes : l’intimidation, l’isolement et le contrôle » (Stark, 2007). Dans un texte plus récent (2017), Evan Stark intègre au contrôle coercitif la coercition et les agressions sexuelles. Le contrôle coercitif continue à s’exercer après la séparation, et permet à l’agresseur de prolonger les violences par l’intermédiaire des enfants (Feresin et al., 2019). Des études commencent à prendre en compte l’effet du contrôle coercitif sur les enfants (Katz et al., 2020).

Evan Stark considère que « le principal préjudice infligé par les hommes violents est politique, et non physique, et relève de la privation de droits et de ressources nécessaires à la personne et à la citoyenneté » (Stark, 2007).

Pour ce chercheur américain, l’agresseur adopte une stratégie visant à piéger sa victime :

Les victimes de contrôle coercitif sont fréquemment privées de ressources financières, de nourriture, d’accès à la communication et aux transports, alors même qu’elles sont coupées de leur famille, de leurs amis et de tout autre soutien. Mais contrairement à d’autres formes de crimes, le contrôle coercitif est personnalisé, il s’étend dans l’espace et dans le temps, et il est genré dans la mesure où il s’appuie sur la vulnérabilité créée par des inégalités. Une autre différence tient à son objectif. Le contrôle coercitif est déployé pour garantir les privilèges des hommes, qui incluent l’utilisation du temps, le contrôle des ressources matérielles, l’accès à la sexualité, et les services personnels. Comme les agressions, le contrôle coercitif porte atteinte à l’intégrité physique et psychologique des victimes. Mais le principal moyen pour instaurer le contrôle est la micro-régulation des comportements quotidiens associée aux stéréotypes quant aux rôles féminins, comme leur vêtement, la cuisine, le ménage, les relations aux autres, le soin des enfants, et la sexualité (Stark, 2007 ; traduction par Pauline Delage, 2017).

Le contrôle coercitif est en effet rendu possible par les inégalités entre les femmes et les hommes, qui sont nombreuses, y compris économiques et matérielles. Elles existent notamment dans la famille, avant comme après la séparation du couple. La privation de ressources qu’organise l’homme violent se cumule avec le fait que sa victime dispose déjà, en moyenne, de moins de ressources que lui.

En 1978, la sociologue française Colette Guillaumin parle de l’appropriation des femmes par les hommes : appropriation du temps et du corps, notamment. Que veut dire « entretien matériel physique« , se demande-t-elle : « d’abord une présence constante. Pas de pointeuse ici, une vie dont tout le temps est absorbé, dévoré par le face-à-face avec les bébés, les enfants, le mari ; et aussi les gens âgés ou malades« . Ainsi, « chaque seconde de temps […] est absorbée dans d’autres individualités« , et cette absorption est le terreau parfait pour l’exercice du contrôle coercitif.

Dans son ouvrage Surviving Sexual Violence, publié en 1988, la sociologue britannique Liz Kelly forge le concept de continuum. À partir d’entretiens réalisés avec des femmes, elle constate que « la plupart des femmes ont subi de la violence sexiste au cours de leur vie ; il y a une variété de comportement masculins que les femmes vivent comme violents ; la violence sexiste survient dans le contexte du pouvoir des hommes et de la résistance des femmes« .

En résumé, les femmes subissant du contrôle coercitif estiment que ce qu’elles subissent est moins grave que ce que leurs partenaires les ont empêchées de faire pour elles-mêmes, la société patriarcale restreignant déjà leurs opportunités.

En 2007, Evan Stark propose de modifier l’intervention auprès des femmes victimes en considérant leurs droits à la liberté en même temps que leur sécurité, et de criminaliser le contrôle coercitif.

Criminaliser le contrôle coercitif

Un colloque international « Contrôle coercitif : améliorer les réponses à la violence conjugale« , auquel nous avons assisté, fut organisé par le collectif de Recherche FemAnVi les 17 et 18 avril 2019 à Ottawa. Ce colloque regroupait des expert-e-s provenant du Canada, des États-Unis et du Royaume-Uni. En plus de présenter avec précision le concept, ce colloque a examiné attentivement comment il peut être utilisé dans différents contextes et quels sont les avantages d’adopter cette conceptualisation de la violence conjugale. La notion doit d’abord être connue et comprise avant d’envisager d’en faire une infraction spécifique.

Marsha Scott (directrice de la Women’s Aid en Écosse) et Evan Stark sont revenu-e-s sur le cadre favorable à la mise en place d’une infraction spécifique. Evan Stark le désigne par le « cadre contrôle coercitif« .

Angleterre, Pays de Galles et Écosse

Le contrôle coercitif est considéré comme une infraction en Angleterre et au pays de Galles depuis 2015, avec l’adoption du Serious Crime Act 2015. Néanmoins, la version actuelle de la législation n’est pas sans critique et doit être révisée, selon Stark lui-même notamment (Barlow et al., 2020 ; Stark, 2020). Il ne concerne pas par exemple les ex-partenaires ou conjoint-e-s.

En Écosse, le « cadre contrôle coercitif » permet d’adopter à l’unanimité le Domestic Abuse (Scotland) Act 2018 par le Parlement en février 2018. Il est considéré comme une « référence absolue » (gold standard) par Marsha Scott. C’est un véritable consensus qui a conduit à l’adoption et à la mise en œuvre cohérente du modèle, dans la loi.

Il s’agit d’une infraction spécifique de violence « domestique« , qui couvre non seulement les violences physiques, mais aussi d’autres formes de dommages psychologiques et de comportements de coercition et de contrôle. La législation s’appuie sur l’expérience des victimes de violences « domestiques » et reconnaît que le contrôle coercitif est tout aussi dommageable que les agressions physiques, et peut détruire l’autonomie d’une victime. La législation reconnaît également l’impact sur les enfants.

Quelles sont les limites à la loi ?

Des chercheur-e-s identifient des limites à la loi, voire au concept en lui-même. Certaines de ces limites, actuellement débattues, sont des hypothèses tandis que d’autres font l’objet d’études empiriques. Nous en présentons ici un bref aperçu.

La notion serait mal comprise et souvent confondue avec la seule violence psychologique. Or, comme indiqué ci-dessus, le contrôle coercitif comprend ce type de violences, mais ne s’y limite pas. Stark (2020) l’analyse ainsi : « le travail sur le contrôle coercitif vise à changer la situation dans son ensemble et non à ajouter de nouveaux comportements à une série d’infractions distinctes (qui ne sont déjà pas appliquées)« .

Inscrire le contrôle coercitif dans la loi ne résoudrait pas la difficulté à trouver des preuves, par exemple pour la micro-régulation de la vie quotidienne, d’autant plus que ce micro-management est banalisé, normalisé dans une société patriarcale.

Ce n’est pas parce que le contrôle coercitif devient une infraction que la tendance du système judiciaire à blâmer ou maltraiter les victimes va disparaître. On peut par exemple tout à fait imaginer des refus de prendre des plaintes pour contrôle coercitif par la police, comme le montre l’expérience anglaise.

Le contrôle coercitif se poursuivant après la séparation, une autre question se pose : est-ce que la création d’une telle infraction permettrait de déjouer le phénomène de la complicité institutionnelle ? Par exemple lorsque les institutions imposent des contacts entre l’agresseur et la victime au nom de l’autorité parentale conjointe.

Quels sont les intérêts du modèle ?

Il a été souligné que la loi pourrait minimiser l’importance des violences physiques dans la violence conjugale. Or, Stark indique que « les agressions physiques sont une partie essentielle de cette stratégie [de contrôle coercitif], elles causent souvent des blessures et sont parfois fatales« . La loi comme le concept permettraient plutôt de rappeler l’importance des autres formes de violences, notamment psychologiques et du contrôle. Rappelons qu’en France, en 2001, l’enquête Enveff montrait que « le terme de ‘femmes battues’ couramment utilisé ne rend pas compte de la totalité des violences conjugales puisque le harcèlement moral y tient une grande place« .

La notion de contrôle coercitif permet d’analyser le récit des femmes victimes dans son intégralité, avant de chercher un incident isolé correspondant à une infraction particulière. Elle rend visible les différentes techniques employées par l’agresseur pour maintenir pouvoir et contrôle.

Les pays qui ont inséré le contrôle coercitif dans leur législation ont rédigé des directives, adressées aux intervenant.e.s, pour les aider à identifier le contrôle coercitif. Voici quelques exemples de tactiques, traduites par nos soins, qui peuvent être employées par l’agresseur :

  • isoler une personne de ses amis et de sa famille
  • la priver de ses besoins fondamentaux
  • contrôler, gérer son temps
  • la surveiller via des outils de communication en ligne ou utiliser des logiciels espions
  • prendre le contrôle des aspects de sa vie quotidienne, tels que les endroits où elle peut aller, qui elle peut voir, ce qu’elle peut porter et quand elle peut dormir
  • la priver de l’accès aux services de soutien, tels que le soutien spécialisé ou les services médicaux
  • la rabaisser de manière répétée en lui disant qu’elle n’a aucune valeur
  • imposer des règles et des activités qui l’humilient, la dégradent ou la déshumanisent
  • la forcer à participer à des activités criminelles telles que le vol à l’étalage, la négligence ou la maltraitance d’enfants pour encourager l’auto-culpabilisation et empêcher la divulgation aux autorités
  • l’abuser financièrement, y compris par le contrôle des finances et des ressources incluant une stratégie pour l’endetter
  • contrôler sa volonté de s’instruire (études) en la rendant incapable de le faire
  • lui prendre ses salaires, avantages ou indemnités
  • menacer de la blesser ou de la tuer
  • menacer de nuire à l’enfant du couple
  • menacer de révéler ou de publier des informations privées
  • menacer de blesser, ou blesser physiquement, un animal familier
  • commettre des dommages criminels (tels que la destruction des biens immobiliers, mettre le feu)
  • empêcher sa/son partenaire d’avoir accès au transport ou de travailler
  • l’empêcher de pouvoir aller à l’école, au collège ou à l’université
  • atteindre à sa réputation
  • divulguer son orientation sexuelle
  • divulguer sa séropositivité ou une autre condition médicale sans consentement
  • limiter l’accès à sa famille, à ses amis et aux finances

Dans le cadre de nos recherches, mais également lors du soutien aux mères séparées et divorcées, nous avons fait le constat que si le contrôle coercitif avait des impacts, les femmes mettaient en place des stratégies de résistance au contrôle et à la violence (ce que l’Enveff a également montré). On reproche trop souvent aux victimes d’être « impuissantes », « passives », « soumises », bien qu’elles ne le soient pas. Subir du contrôle coercitif ne veut pas dire ne rien faire, mais le faire sous contrôle et coercition.

Le contrôle coercitif est un modèle débattu mais solide, qui fait l’objet de recherches tant qualitatives (avec des entretiens avec des victimes par exemple) que quantitatives (avec l’analyse de données tirées d’études de population sur les violences). Cette notion permet de réinsérer les notions de pouvoir et de contrôle au cœur de la compréhension de la violence conjugale (ce que les féministes ont toujours défendu).

Gwénola Sueur et Pierre-Guillaume Prigent

aliénation parentale, international, lobby masculiniste, violences conjugales, violences post-séparation

World Health Organization removes parental alienation from its classification index

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Update of September 20, 2020: since September 2020, the withdrawal of any mention of parental alienation from the International Classification of Diseases (ICD-11) is validated. Indeed, the official version, blue, has just been updated, and no longer makes any reference to this term, as shown in this screenshot.

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Original article :

On 15 February 2020, the WHO declared that it had removed this pseudo-scientific concept from its index and classification (temporary version, orange).

The Italian members of the Facebook group PAS: informazioni e disinformazione were the first to spread the information. They spotted a comment from a WHO team, Team3 WHO, on the page of the Classification devoted to Psychological maltreatment, in response to a remark reminding that parental alienation has no scientific basis.

Team3 WHO declares:

Parental alienation has been removed from the ICD-11 classification as it is a judicial term and issue. Its inclusion for coding purposes in the ICD-11 will not contribute to valid or meaningful health statistics.

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Indeed, when we search, after logging on the site, for the parental expression alienation in the Classification, or when we consult the Caregiver-child relationship problem entry, the expression no longer appears.

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This information is an opportunity to review recent events.

In November 2019, William Bernet, President of the Parental Alienation Study Group, one of the most motivated promoters of parental alienation, reported in a newsletter, translated and distributed in France by ACALPA, on the positioning of the WHO’s Medical and Scientific Advisory Committee (MSAC). This Advisory Committee reminded us of what we already knew: the presence of a notion in the index of the Classification does not imply official recognition by the WHO. A definition of parental alienation, in the index entry only, has appeared in the meantime, which could have led to a future recognition of this pseudo-theory by the WHO.

On 29 October 2019, the discussions seemed to be closed and the lack of a clear position from WHO was causing confusion. Indeed, the mere presence of this notion, wherever it is in the Classification, would favour its instrumentalization by its promoters and its use by violent men in family courts, as recalled in the Collective Memo of Concern to: World Health Organization about « Parental Alienation ».

We invite any person, activist, journalist, researcher to disseminate this information and to ask those who persist in claiming that WHO has recognized parental alienation to publish a correction. We also urge legislators to be careful not to insert into the law concepts that have no scientific basis.

Le Réseau International des Mères en Lutte
International Network of Activist Mothers
Updated the September 20, 2020

aliénation parentale, international, lobby masculiniste, violences conjugales, violences post-séparation

L’Organisation Mondiale de la Santé supprime l’aliénation parentale de l’index de sa classification

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Mise à jour du 20 septembre 2020 : depuis septembre 2020, le retrait de toute mention de l’aliénation parentale de la Classification Internationale des Maladies (CIM-11) est validé. En effet, la version officielle, bleue, vient d’être mise à jour, et ne fait plus du tout référence à ce terme, comme le montre cette capture d’écran.

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Article original :

Dans un précédent article nous clarifions la position de l’Organisation Mondiale de la Santé : « non, l’Organisation Mondiale de la Santé n’a pas reconnu l’aliénation parentale« . L’expression était seulement présente dans l’index de sa Classification Internationale des Maladies 11 (CIM ou ICD-11).

Le 15 février 2020, l’OMS déclare avoir supprimé de son index et de sa classification (version provisoire, orange) cette notion pseudo-scientifique.

Ce sont les italiennes du groupe Facebook PAS: informazioni e disinformazione qui sont les premières à avoir diffusé l’information. Elles ont repéré un commentaire d’une équipe de l’OMS, Team3 WHO, sur la page de la Classification consacrée à la maltraitance psychologique (Psychological maltreatment), en réponse à une remarque rappelant que l’aliénation parentale n’avait pas de fondements scientifiques.

Team3 WHO déclare ainsi  :

L’aliénation parentale a été retirée de la classification de la CIM-11 car il s’agit d’un terme et d’une question d’ordre juridique. Son inclusion à des fins de codification dans la CIM-11 ne contribuera pas à l’établissement de statistiques sanitaires valables ou significatives.

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En effet, lorsque nous recherchons, après connexion sur le site, l’expression parental alienation dans la Classification, ou bien lorsque nous consultons l’entrée Caregiver-child relationship problem, l’expression n’apparaît plus.

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Cette information est l’occasion de revenir sur les évènements récents.

Suite à l’indexation de la notion par l’OMS, ses partisan.e.s ont bien évidemment lancé aussitôt une campagne de désinformation. En août 2019, en France, suite à notre demande, le journal La Voix du Nord publiait un article rectifiant ces désinformations et rappelant que l’OMS n’avait pas reconnu l’aliénation parentale.

Puis en novembre 2019, William Bernet, président du Parental Alienation Study Group, l’un des promoteurs les plus motivés de l’aliénation parentale, faisait état dans une newsletter, traduite et diffusée en France par l’ACALPA, du positionnement du Comité Consultatif Médical et Scientifique (MSAC) de l’OMS. Ce Comité Consultatif rappelait notamment ce que nous savions déjà : la présence d’une notion dans l’index de la Classification n’implique pas de reconnaissance officielle de la part de l’OMS. Une définition de l’aliénation parentale, dans l’entrée d’index uniquement, est apparue entre temps, ce qui aurait pu laisser croire à une prochaine reconnaissance de cette pseudo-théorie par l’OMS.

Le 29 octobre 2019, les discussions semblaient closes et l’absence de prise de position claire de la part de l’OMS entretenait la confusion. En effet la simple présence de cette notion, où qu’elle soit dans la Classification, favoriserait son instrumentalisation par ses promoteurs et son usage par des hommes violents dans les tribunaux de la famille, comme rappelé dans le Collective Memo of Concern to: World Health Organization about « Parental Alienation ».

Nous invitons  toute personne, militant.e, journaliste, chercheur.e à diffuser cette information et à demander aux personnes qui persistent à affirmer que l’OMS a reconnu l’aliénation parentale de publier un correctif. Nous invitons également les législateur.ice.s à veiller à ne pas insérer dans la loi des notions sans fondements scientifiques.

Le Réseau International des Mères en Lutte
Article mis à jour le 20 septembre 2020

aliénation parentale, conférence internationale, contrôle coercitif, international, violences conjugales, violences post-séparation

Les stratégies des hommes pour maintenir le contrôle après la séparation / ECDV

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[Pour le traduction multi-langue cliquer ici]

En septembre 2019, nos co-fondateur.ice.s ont assisté (et présenté une communication) à l’European Conference On Domestic Violence (ECDV) à Oslo, en Norvège. L’ECDV est conçue pour les chercheur.e.s, les praticien.ne.s et les décideur.euse.s politiques. La conférence se concentre sur la compréhension de la violence domestique, la prévention et les interventions, la politique. Les deux précédentes conférences européennes eurent lieu à Belfast en 2015, puis à Porto en 2017. Des membres de notre structure avaient déjà assisté à l’ECDV à Porto, en 2017, pendant une semaine. Un comité scientifique, après un appel à communication, sélectionne les interventions qui seront présentées lors de chaque conférence européenne.

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Présentation de l’ECDV à Oslo par Carolina Øverlien, NKVTS, 2 septembre 2019.

Lors de cette troisième ECDV qui eut lieu du 1er au 4 septembre, de nombreuses communications furent consacrées aux violences après la séparation :

Un focus fut porté sur le blâme envers les mères dans les tribunaux de la famille ou dans le cadre de la médiation familiale, et sur leur pathologisation avec l’usage du syndrome d’aliénation parentale. La difficulté des mères à protéger leurs enfants, après la séparation, fut également mise en avant.

L’étude intitulée « Using Children to Strike Mothers After Separation : Fathers’ Strategies for Maintaining Control » de Mariachiara Feresin, Federica Bastiani et Patrizia Romito, de l’Université de  Trieste en Italie, fut présentée par l’intermédiaire d’un poster détaillé.

Un article reprenant les résultats avait précédemment été publié en juin 2019 sous le  titre « The Involvement of Children in Postseparation Intimate Partner Violence in Italy: A Strategy to Maintain Coercive Control? »

Le but de cette étude était d’analyser les stratégies des agresseurs pour maintenir le contrôle sur leur femme, après la séparation, ainsi que l’implication des enfants dans ce processus.

La violence à l’égard des femmes se poursuit souvent après la séparation. L’implication des enfants dans la violence conjugale est désormais mieux connue, néanmoins aucune étude n’avait jusqu’à lors examiné la place des enfants dans la violence, après la séparation, en Europe du Sud.

Les chercheuses ont réalisé une étude quantitative en deux temps, à 18 mois d’intervalles, en interrogeant par questionnaire des femmes dans 5 centres anti-violence du Nord de l’Italie (151 + 91). 15 % de ces femmes n’ont pas d’enfant. Elles ont également réalisé une étude qualitative à l’aide d’entretiens auprès de 13 femmes, dans ces mêmes centres.

Les résultats des deux études ont montré que les femmes subissaient des niveaux élevés de violence et que les enfants étaient très impliqués. Les femmes ayant des enfants, et qui ne vivaient plus avec le partenaire violent, subissaient des menaces, des violences, des formes de manipulation et des comportements de contrôle lors des contacts père-enfant.  78,9 % des femmes de l’enquête longitudinale et les 13 femmes de l’étude qualitative ont signalé au moins un de ces comportements.

L’étude qualitative a permis ensuite de découvrir certaines stratégies spécifiques aux auteurs de violences qui visent à maintenir un contrôle coercitif sur l’ex-partenaire :

  • il culpabilise
  • il  menace
  • il dénigre et discrédite
  • il appauvrit
  • il empêche son ex-femme ou conjointe de mener une vie normale
  • il tente de détruire le lien mère-enfant

L’étude montre que 70, 1% des mères avaient peur que le père soit violent avec l’enfant. En outre la moitié des femmes (52 %) craignaient le transfert de résidence de l’enfant, le père violent étant dans la toute puissance puisque la violence post-séparation reste mal identifiée par les services socio-judiciaires.

Les résultats de cette étude ont permis de mieux comprendre les mécanismes du contrôle coercitif et de la violence après la séparation ainsi que la manière dont les auteurs de violences utilisent les enfants pour atteindre leurs objectifs.

Les chercheuses recommandent aux professionnels qui s’occupent de ces questions dans les secteurs socio-judiciaires d’accorder plus d’attention à la protection des femmes victimes de violence et de leurs enfants, et de garantir leurs droits.

Le Réseau International des Mères en Lutte

PS : Nous sommes flatté.es que notre travail soit traduit. Néanmoins pourriez-vous nous demander la permission avant d’effectuer toute traduction. Merci.

aliénation parentale, complicité institutionnelle, enfants victimes, féminicides, filicides, international, violences post-séparation

Contrôler les femmes après la séparation ou « l’impossible rupture »

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[Pour le traduction multi-langue cliquer ici]

La Belgique a signé en 2012, puis ratifié en 2016, la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul). Depuis le mois de janvier 2019 le blog « Stop Féminicides » a répertorié 16 femmes tuées, « des femmes tuées parce qu’elles sont femmes » ;  4 enfants ont également été tués dans un contexte de violences conjugales, dont 2 en même temps que leur mère.

Depuis 2001, les acteurs/trices politiques se sont accordé.e.s sur une définition commune de la violence conjugale :

Les violences dans les relations intimes sont un ensemble de comportements, d’actes, d’attitudes de l’un des partenaires ou ex-partenaires qui visent à contrôler et dominer l’autre. Elles comprennent les agressions, les menaces ou les contraintes verbales, physiques, sexuelles, économiques, répétées ou amenées à se répéter portant atteinte à l’intégrité de l’autre et même à son intégration socioprofessionnelle. Ces violences affectent non seulement la victime, mais également les autres membres de la famille, parmi lesquels les enfants. Elles constituent une forme de violence intrafamiliale. Il apparaît que dans la grande majorité, les auteurs de ces violences sont des hommes et les victimes, des femmes. Les violences dans les relations intimes sont la manifestation, dans la sphère privée, des relations de pouvoir inégal entre les femmes et les hommes encore à l’œuvre dans notre société.

Or, dans le Rapport alternatif de la coalition « Ensemble contre les violences » envoyé au Grevio, en février 2019, les organisations de terrain constatent à travers leur pratique que la Belgique ne respecte pas ses obligations en matière de lutte contre les violences faites aux femmes.

En ce qui concerne spécifiquement les violences après la séparation, ce rapport rapporte que les autorités judiciaires estiment, la plupart du temps, que les violences à l’égard de la mère ne signifient pas que les enfants fassent également  l’objet de violences. Ils estiment souvent que les violences cessent, lors de la séparation. Les juges ont ainsi tendance à considérer qu’un mauvais mari n’est pas forcément un mauvais père.

En cas de séparations conflictuelles, la loi du 18 juillet 2006 en matière d’hébergement alterné égalitaire, implique d’opter de manière préférentielle pour une résidence en alternance.

La loi de 2006 ne prévoit aucune exception au principe de l’hébergement égalitaire, en cas de violence, et l’appréciation des violences et de leurs conséquences est laissée aux juges. Cette loi rend alors très difficile la protection des victimes de violences puisque l’orientation prise dans ces dossiers est de maintenir à tout prix un lien entre le parent violent et ses enfants. 

Il est à noter que les travaux préparatoires à cette loi font explicitement référence au Syndrome d’ Aliénation Parentale :

Avantages de l’hébergement égalitaire : l’hébergement égalitaire évite les risques de : […] une influence assez grande du parent à hébergement principal pour que l’enfant puisse développer un syndrome d’aliénation parentale (SAP). (extrait du Projet de loi du 17 mars 2005, amendement n° 51-1673/014)

Le rapport alternatif de la coalition « Ensemble contre les violences » (page 79) souligne, en ce qui concerne le SAP  :

Quant au Syndrome d’Aliénation Parentale invoqué dans les travaux préparatoires de la loi de 2006 et utilisé dans la jurisprudence, outre qu’il n’a aucun fondement scientifique, il renforce les droits des parents violents sous prétexte que l’enfant doit se construire avec ses deux parents et perpétue l’idée que les fausses allégations sont nombreuses et que les violences conjugales sont rares. Cette idée a tendance à discréditer la parole des femmes et des enfants et établit une confusion entre conflit et violence conjugale. En conclusion, le SAP contribue au bâillonnement des femmes et des enfants.

Peu de temps après la publication de ce rapport, les premiers résultats d’une étude en Fédération Wallonie-Bruxelles confirme que pour la majorité des femmes victimes de violences conjugales, ces violences perdurent après la séparation (1).

Emmanuelle Mélan  est chercheuse en criminologie à l’UCL et travaille à mi-temps au collectif et refuge pour femmes victimes de violences conjugales (ASBL Solidarité Femmes) de La Louvière, présidé par Josiane Coruzzi.

Emmanuelle Mélan a réalisé des entretiens auprès de femmes. Elle a ensuite complété ses entretiens par un questionnaire. 79 % des femmes sondées déclarent encore subir des violences après une séparation, celles-ci pouvant remonter à plus de 5 ans.

Les résultats montrent que les violences post-séparation sont occasionnellement physiques. Elles sont surtout d’ordre psychologique et moral (harcèlement, contrôle, menaces de violences physiques ou de mort, dénigrement auprès des enfants, alliance avec ces derniers ou avec l’entourage) en vue de nuire et porter atteinte à l’intégrité psychique des femmes. L’étude montrent que les violences sont également d’ordre économique (non respect de paiement de la pension alimentaire).

Par ailleurs, l’étude met en avant que les enfants sont les instruments du continuum des violences lors des procédures juridiques. En effet 80 % de femmes ont dû faire face à un partenaire qui, par une attitude non collaborative, a rendu la procédure difficile, de manière régulière voire constante. Les femmes concernées sont près de la moitié à avoir répondu que monsieur avait tout le temps eu un comportement déstabilisant visant à rendre les choses pénibles. Il utilise alors essentiellement les enfants afin d’arriver à ses fins.

La chercheuse dénombre par ailleurs quatre stratégies violentes et anxiogènes pour la mère, stratégies utilisées de manière permanente (tout le temps) ou régulière (souvent) :

  • menacer de faire perdre la garde des enfants (80 % des dossiers) ;
  • utiliser l’enfant pour contrôler et piéger la mère (89 %) ;
  • faire alliance avec l’enfant contre la mère (92 %) ;
  • faire de fausses allégations et dénigrer (92 %).

Enfin l’étude souligne que  la peur continue à être présente chez un tiers de ces femmes,  peur qui est encore plus présente (43 %)  lorsqu’il s’agit de la sécurité de leur(s) enfant(s).

En ce qui concerne les droits de visite et la sécurité le rapport alternatif de la coalition « Ensemble contre les violences » recommande de :

  • former les juges et avocats, ainsi que les professionnel.le.s de la sphère psychosociale aux mécanismes des violences et à la différence entre conflit et violence, à leur persistance après la séparation et à leurs impacts sur les enfants ;
  • modifier la loi de 2006 sur « l’hébergement égalitaire » de façon à ce que l’impact des violences conjugales sur les enfants soit pris en considération par les magistrat.e.s dans les décisions relatives au droit de garde, à l’hébergement, à l’exercice de l’autorité parentale et aux droits de visite (lieux sécurisés, horaires adéquats, etc.).

Les  mardi l’ASBL Solidarité Femmes organise à La Louvière un colloque international sur la question des violences post-séparation :

L’impossible rupture. Penser la sécurité des femmes et des enfants en contexte de violences conjugales post-séparation

L’association a invité un panel d’experts internationaux (France, Italie, Canada) à faire part de leur expérience, des recherches qu’ils ont menées et des bonnes pratiques qui ont cours dans leur pays sur la question des violences post-séparation. Nous y serons.

Le Réseau International des Mères en Lutte

(1) : Mélan, E., « Les violences post séparation en Fédération Wallonie-Bruxelles. État de la question, témoignages et recommandations pour penser la sécurité des victimes », première partie, réalisée avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Novembre 2018, Solidarité Femmes ASBL, La Louvière, 80 pages. Publication en cours.

Mélan, E. (2019). Chronique de criminologie. Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, 2(2), 489-503.

[Maj : comme pour nos autres articles des éléments sont mobilisés dans des publications (rapport, communiqué de presse, chapitre d’ouvrages sans peer review) sans que nous ne soyions ensuite correctement cité-es ou ne donnions notre accord pour une éventuelle traduction]

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La responsabilité institutionnelle dans la mise en danger des enfants

Ferederiko

(extrait du power point de Patrizia Romito, photographie réalisée à Ottawa le 11 avril 2017)

[Pour accéder à la traduction automatique cliquer ici ]

Les violences conjugales post-séparation sont de la même nature que les violences conjugales. Selon  la Professeure italienne Patrizia Romito, « il s’agit d’un ensemble de comportements caractérisé par la volonté de domination et de contrôle d’un partenaire sur l’autre, qui peuvent inclure brutalités physiques et sexuelles, abus psychologiques, menaces, contrôles, grande jalousie, isolement de la femme ainsi que l’utilisation des enfants à ces fins ».

Elle précise que les motivations à ces violences peuvent être regroupées en trois catégories : les représailles et la vengeance, le rétablissement de la situation de pouvoir et de contrôle, la tentative de forcer une réconciliation qui permet le rétablissement du contrôle. Les violences conjugales post-séparation affectent un nombre important de femmes et d’enfants et la séparation représente un risque accru de dangerosité.

De fait une absence de repérage des situations à risques ainsi qu’une mauvaise décision en matière de justice aux affaires familiales peuvent avoir des conséquences dramatiques, allant du transfert de résidence des enfants chez le parent violent, aux meurtres des femmes et des enfants.

Les violences létales après la séparation : tuer les enfants pour punir la mère

En Grande-Bretagne, l’analyse par Hilary Saunders de la situation de 29 enfants qui ont été tués par leur père après la séparation montre que ces homicides avaient eu lieu dans un contexte de négociations très conflictuelles entre les parents pour la garde des enfants ou le droit de visite. Dans les 13 familles analysées, la quasi totalité des mères avaient subi des violences conjugales. Pourtant le tribunal les avait obligées à accepter des contacts entre le père et les enfants.

Au Canada, lors du colloque Perspectives internationales sur la violence post-séparation organisé par FemAnVi, les 11 et 12 avril 2017, Patrizia Romito a illustré la responsabilité institutionnelle dans ces meurtres. Elle est notamment revenue sur la mort de Federiko Barakat en Italie.

Le 25 février 2009, ce petit garçon de huit ans est tué par son père dans les locaux des services sociaux de San Donato Milanese. Suite à la séparation qui intervient après des violences conjugales, sa mère Antonella Penati cherche à mettre en sécurité l’enfant mais elle est accusée d’aliénation parentale. Des contacts sont alors ordonnés et mis en place pour rétablir le lien entre le père et l’enfant. Le père tue Federiko lors d’une visite supervisée avec une arme à feu, puis s’acharne sur l’enfant en le frappant de plusieurs coups de couteau, avant de se suicider.

En Espagne, sur une période de 7 années, 29 enfants ont été tués par leur père pour se venger de leur mère. Ces meurtres sont comptabilisés à partir de 2013, puisque ces victimes sont considérés comme des victimes de violence de genre dans les statistiques officielles.

Dans une récente interview, le professeur en médecine légale à l’université de Grenade , Miguel Lorente Acosta, revient sur le cas des enfants tués. Il déplore qu’une personne condamnée avec injonction contre son ex- femme ou ex-conjointe puisse encore continuer à avoir accès aux enfants. Puis il ajoute :

Un agresseur ne peut jamais être un bon père. Ils ont appris qu’il y a un moyen de faire encore plus de mal avec la mort des enfants.

Un père, Tomás Bretón, est condamné en juillet 2013 à 40 ans de prison pour le meurtre de ses deux enfants, Ruth (six ans) et José (deux ans). Il les tue en représailles à la demande de son épouse de se séparer. La mère des deux enfants, Ruth Ortiz, a témoigné afin d’obtenir du Parlement un consensus pour réformer la loi intégrale et inclure les mères des enfants tués comme victimes de violence sexiste. Elle analyse :

Les agresseurs savent ce qu’est le plus grand mal et le plus grand mal est de prendre la vie de vos enfants.

Il est à souligner que la Cour Suprême a condamné l’Espagne en 2018 a versé une indemnité de 600 000 euros à une mère, Ángela González, pour la responsabilité des autorités espagnoles à l’égard du décès de sa petite fille Andrea, âgée de sept ans. Elle a été assassinée par son père lors d’une visite non supervisée autorisée par un juge.

Aux États-Unis ce sont près de 700 enfants qui ont été tués par leurs parents au cours d’un divorce ou d’une séparation depuis 2008, selon le Center for Judicial Excellence, un organisme basé en Californie.

Les avocats d’une mère survivante, Hera McLeod , lors de la procédure de garde pour son petit garçon Prince, lui ont conseillé de faire attention à ce qu’elle disait au sujet du père de l’enfant, Joaquim Rams, et aux détails à divulguer au sujet de son comportement violent. La mère souhaitait une mise en sécurité suite aux nombreuses violences de cet homme. Le juge a pourtant estimé qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves. Après avoir ordonné à Hera McLeod des visites supervisées entre le père et Prince, le juge décide de lui accorder des droits de visites non supervisés. C’est lors de la quatrième visite le 20 octobre 2012 que l’enfant est tué par son père. Prince était âgé de 15 mois.

Un article de Samantha Schmidt, publié le 29 juillet dans le Washington Post revient sur les filicides dont celui de Prince et de la petite Kyra Francheti, puis présente en exclusivité les derniers résultats de l’étude de Joan Meier. Car si ces infanticides semblent être des situations extrêmes, ils illustrent néanmoins la tendance des tribunaux de la famille à ne pas croire les mères lorsqu’elles demandent à être mise en sécurité avec leurs enfants.

L’étude de Joan Meier

L’étude inédite de l’Université George Washington réalisée par la professeure de droit Joan S. Meier, montre que les mères qui signalent des cas de violence – en particulier des violence faite aux enfants – perdent la garde de leurs enfants à une fréquence stupéfiante.

Dans un article de 2017, elle rend compte de l’analyse de  238 jugements entre 2002 à 2013 aux États-Unis. Ces jugements concernent la résidence d’enfants de parents séparés, et leur analyse apporte des éléments sur le lien entre aliénation parentale et violence. Dans cette étude, les accusations d’aliénation parentale conduisent les tribunaux à ne pas prendre en compte les preuves de violences paternelles envers les femmes et les enfants, à retirer des enfants aux parents (principalement les mères) qui veulent les protéger et à placer ou fixer leur résidence chez l’agresseur, même lorsque des juges reconnaissent l’existence de violences. Ainsi,  les femmes qui présentent des preuves de violence envers les enfants sont plus susceptibles d’en perdre la garde, que les femmes qui signalent uniquement de la violence conjugale. Les accusations d’aliénation parentale en réponse à ces dévoilements doublent pratiquement le taux de perte de résidence des enfants par les mères.

Dans une intervention de novembre 2018, Joan Meier et son équipe de recherche complètent les résultats. 4 338 jugements de 2005 à 2015 ont été analysés. Tous types de violences confondus (violence conjugales, violences contre les enfants, violences sexuelles contre les enfants), les accusations réalisées par les mères ne sont reconnues que dans 41 % des cas, et quand une accusation d’aliénation parentale est portée, dans 23 % des situations seulement. En outre ce sont les accusations de violences sexuelles sur les enfants qui sont les moins reconnues (15 %), et elles ne le sont presque jamais quand l’aliénation parentale est mobilisée par le père (2 %, 1 sur 51). Ainsi, lorsque l’aliénation parentale est utilisée par le père comme moyen de défense, la probabilité que le juge reconnaisse la violence est divisée par 2, et presque par 4 quand il s’agit de violence contre les enfants.

L’accusation d’aliénation parentale par les pères a également une incidence sur la résidence des enfants. En effet, lorsque la mère accuse le père de violence, la résidence est transférée chez lui dans 26 % des cas quand il ne se sert pas de l’aliénation parentale, et dans 44 % dans cas lorsqu’il mobilise ce pseudo-concept. Elle constate par ailleurs que même lorsque les violences sont reconnues, et que l’aliénation parentale est utilisée, la résidence est transférée dans 43 % des cas (6 sur 14).

Pour résumer, ces données « confirment les nombreux témoignages de femmes qui dénoncent l’ignorance par les tribunaux de la famille de la violence, ce qui met potentiellement les enfants en danger. Elle confirme également que les accusations d’aliénation sont efficaces pour occulter la violence ». L’étude comporte cependant deux limites principales : elle ne démontre pas que le rejet par les tribunaux des accusations de violences est erroné, mais seulement qu’il est répandu. De plus, l’étude est également axée sur les affaires en appel, qui peuvent présenter certaines différences avec les affaires en première instance.

Conclusion

Au Canada, des rapports et des recherches universitaires visent à identifier les situations à risques. Par exemple, en novembre 2012, un comité d’experts sur les homicides intrafamiliaux remet au ministre de la Santé et des Services sociaux et au ministre responsable des aînés un rapport proposant des recommandations. En 2014 la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes publie à son tour un document qui vise à faire connaître ses recommandations en matière de prévention des homicides intrafamiliaux.

Au Royaume-Uni, le gouvernement a lancé le 19 juillet à un appel à témoigner aux victimes, afin d’examiner les risques que courent les enfants qui entretiennent une relation avec un parent ayant des antécédents de comportement violent. Ce projet est supervisé par un groupe d’expert.e.s et souhaite mettre en lumière la manière dont les tribunaux de la famille gèrent la sécurité et le bien-être des enfants lorsqu’il existe un risque de violence familiale.

En France, la publication chaque année de l’Étude nationale sur les morts au sein du couple de la Délégation Aux Victimes permet de connaître le nombre d’enfants tués dans deux situations entre 2006 et 2018.

111 enfants furent tués en même temps que leur parent (la mère dans 110 situations sur 111)

182 enfants furent tués « en raison de séparations difficiles ou de conflits de couple (tandis que l’autre parent n’est pas victime) » (c’est l’intitulé de la DAV)

L’auteur de ces 292 meurtres ou assassinats était de sexe masculin dans une écrasante majorité des situations. La mission sur les morts violentes d’enfants au sein des familles confirme également le « lien très fort entre  entre la violence conjugale et les violences commises sur les enfants ».

Par l’intermédiaire de la veille féministe de Féminicides par compagnon et ex-compagnon , nous apprenons que plus d’une dizaine d’enfants ont été tués par leur père depuis le début de l’année 2019. Alors que des membres du mouvement des intérêts des pères séparés et divorcés considèrent parfois ces hommes comme des martyrs du divorce et vont jusqu’à présenter comme unique solution à ces meurtres la systématisation de la résidence en alternance, que compte faire le gouvernement français pour mettre en sécurité les enfants ?

Le Réseau International des Mères en Lutte (GS)

[Maj] Le 17 août 2020 le gouvernement publie l’Étude nationale sur les morts violentes au sein du couple. Ce rapport déclare page 26 que  » 25 infanticides ont été commis dans un contexte conjugal ». Il précise que : « 3 mineurs ont été tués concomitamment à l’homicide de leur mère dans 3 affaires distinctes. Dans ces affaires, 1 auteur s’est suicidé ». Puis le rapport ajoute que  » Dans 14 affaires distinctes, 22 enfants ont été tués dans le cadre d’un conflit de couple sans qu’aucun membre du couple ne soit victime. L’auteur de l’infanticide est majoritairement le père (12 affaires), la mère l’ayant été à 2 reprises ».

[Maj] 1er septembre 2022. L’ Étude nationale sur les morts violentes au sein du couple de 2020 indique page 26 que « 8 mineurs ont été tués concomitamment à l’homicide de leur mère dans 4 affaires distinctes. Dans ces affaires, 1 auteur s’est suicidé et 2 autres ont tenté de le faire. » Puis le rapport précise que dans  » dans 6 affaires distinctes, 6 enfants ont été tués dans le cadre d’un conflit de couple sans qu’aucun membre du couple ne soit victime. L’auteur de l’infanticide est majoritairement le père (3 affaires), dont l’un s’est suicidé, la mère l’ayant été à 2 reprises et le beau-père à une ».

[Maj 1er septembre 2022. Le rapport de 2021 indique page 26 qu’en 2021 aucun mineur n’a été tué concomitamment à l’homicide de l’un de ses parents. Puis le rapport précise que « dans 10 affaires distinctes, 12 enfants ont été tués dans le cadre d’un conflit de couple sans qu’aucun membre du couple ne soit victime. Le père et la mère sont auteurs dans les mêmes proportions. 3 pères et 1 mère se sont suicidés à l’issue et 1 mère a tenté de le faire ».

Ainsi entre 2006 et 2021 :

  • 122 enfants furent tués en même temps que leur parent (la mère dans 121 situations sur 122)
  • 222 enfants furent tués « en raison de séparations difficiles ou de conflits de couple (tandis que l’autre parent n’est pas victime) » (c’est l’intitulé de la DAV)

 

aliénation parentale, international, lobby masculiniste, violences conjugales, violences post-séparation

Non, l’Organisation Mondiale de la Santé n’a pas reconnu l’aliénation parentale

Mise à jour : le 15 février 2020, L’Organisation Mondiale de la Santé a supprimé l’aliénation parentale de l’index de sa classification. Pour en savoir plus

Le 25 mai 2019, lors de son assemblée générale à Genève, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) votait la révision du classement international des maladies (CIM-11).

L’OMS a décidé de ne pas reconnaître l’aliénation parentale dans le CIM-11, néanmoins ses partisan.e.s ont immédiatement lancé une campagne de désinformation.

Comme déclarait Pierre-Guillaume Prigent, un de nos membres, le 4 juin 2019 : « que des associations militant pour la reconnaissance de l’aliénation parentale produisent des visuels mensongers [tel que celui ci-dessous], et que la même argumentation soit reprise par des spécialistes de l’aliénation parentale est éthiquement et scientifiquement très problématique ».

Par exemple, l’ACALPA, une association qui milite pour la reconnaissance de l’aliénation parentale, prétend que l’OMS a récemment reconnu l’aliénation parentale. Elle se sert du logo de l’OMS pour se donner de la crédibilité.

L’association « J’aime mes deux parents », qui milite également pour la reconnaissance de l’aliénation parentale, prétend que l’OMS a récemment reconnu l’aliénation parentale.

Cette campagne de désinformation en France, comme nous l’avions souligné le 5 juin, viserait par ailleurs à intervenir auprès de Nicole Belloubet afin qu’elle corrige la fiche intranet du 28 mars 2018 sur le SAP.

Or, l’aliénation parentale n’est présente que dans l’index de la Classification de l’OMS, et n’y est pas définie, ce qui veut dire qu’elle n’est pas reconnue par l’Organisation, comme le montrent les deux captures d’écran dans ce tweet et le débunkage réalisé fin mai.

L’OMS est claire :

L’index alphabétique est une liste d’environ 120 000 termes cliniques (comprenant des synonymes ou expressions). L’index est utilisé pour trouver les codes ou combinaisons de codes CIM pertinents pour les termes. La mention d’un terme dans l’index sert exclusivement au codage. La mention d’un terme dans l’index ne signifie pas l’approbation ou l’endossement d’une condition particulière.

De plus, l’intitulé « Caregiver-child relationship problem », « Problème relationnel entre un pourvoyeur de soins et un enfant » est situé dans le chapitre 24 de la Classification. Ce chapitre est lui-même intitulé « Factors influencing health status or contact with health services », « Facteurs influençant l’état de santé ou le contact avec les services de santé », ce qui signifie qu’il ne s’agit ni d’un syndrome ni d’un trouble : il s’agit seulement d’un facteur de contexte. Et la définition de ce « problème relationnel » ne correspond à aucune des définitions de l’aliénation parentale donnée par ses promoteurs. De plus, l’aliénation parentale elle-même n’est jamais définie dans la Classification.

Rappelons que l’aliénation parentale est un concept qui n’est pas fondé scientifiquement. La présence de ce concept dans l’index a alerté  de nombreux chercheurs et chercheures qui se sont  adressé.e.s à l’OMS dans une lettre ouverte internationale.

Cette note de synthèse montre le manque de rigueur scientifique des études réalisées par les promoteurs de l’aliénation parentale (méthodologie, recrutement des personnes interrogées, etc…), ainsi que l’existence de conflits d’intérêts. En effet, ce sont parfois des personnes qui dirigent des programmes contre l’aliénation parentale qui souhaitent qu’elle soit reconnue. La lettre ouverte a été signé par des centaines de structures de lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants qui constatent d’un pays à l’autre les conséquences dramatiques de la mobilisation de ce pseudo-concept dans les tribunaux de la famille.

Le mémo se conclut ainsi :

L’inclusion de l’expression « aliénation parentale » où qu’elle soit dans la CIM-11 est susceptible de renforcer les tendances destructrices existantes dans les tribunaux de la famille qui causent aux enfants et à leurs pourvoyeurs de soins des préjudices. De plus, les préoccupations validées empiriquement au sujet du manque de fiabilité du concept pourraient remettre en question la crédibilité scientifique de l’Organisation mondiale de la santé ainsi que la fiabilité de la Classification internationale des maladies.

Plusieurs recherches confirment en effet que l’aliénation parentale peut être utilisée comme stratégie d’occultation de la violence conjugale. Le 26 avril 2018, le forum « L’aliénation parentale : une menace pour les femmes et les féministes ?« , organisé à l’Université du Québec à Montréal (UQÀM), a fait le point sur le concept d’aliénation parentale et sa mobilisation dans les situations de violence conjugale au Québec, en Europe et au Brésil. Il est ressorti des interventions des treize intervenant.e.s que l’aliénation parentale est un concept qui « invalide, nie et occulte les propos et les craintes exprimés par les femmes et les enfants face à la violence des hommes » (p. 4) ; que « la mobilisation du concept d’aliénation parentale dans les situations de violence conjugale met le meilleur intérêt des enfants en second plan, derrière l’intérêt des pères ayant des comportements violents » (p. 5) ; que « l’utilisation du concept est rendue possible en grande partie par la non-compréhension et par le manque de reconnaissance de la violence des hommes à l’endroit des femmes et des enfants, ainsi que par la confusion qui règne entre la violence conjugale et les conflits sévères de séparation » (p. 6) ; que « les multiples vocables pour faire référence à l’aliénation parentale facilitent son utilisation dans les situations de violence conjugale » (p. 8) ; que « la popularisation du concept est liée aux revendications des masculinistes et au lobby des groupes de défense de droits des pères » (p. 9).

Une étude réalisée par la professeure de droit américaine Joan S. Meier confirme les témoignages de femmes qui dénoncent la tendance des tribunaux de la famille à mettre sur un second plan la sécurité des enfants. L’étude confirme également que les accusations d’aliénation parentale mobilisées par les pères en défense sont efficaces pour occulter leur violence.

Le Réseau International des Mères en Lutte
Article révisé le 22 février 2020

 

 

 

 

contrôle coercitif, international, violences conjugales, zones rurales

Les victimes de violences dans les zones rurales : captives et contrôlées

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Au Royaume-Uni une étude, qui s’est déroulée pendant 18 mois, montre que la réponse de la police à la violence dite « domestique » en milieu rural, est « largement inadéquate ». Les victimes dans les zones rurales sont plus isolées, moins soutenues et protégées.

Le National Rural Crime Network s’efforce de mieux faire connaître les problèmes et les répercussions de la criminalité dans les régions rurales, afin que l’on puisse davantage assurer la sécurité des victimes.

En 2017, cet organisme a eu pour projet de découvrir en quoi l’expérience de la violence domestique dans les campagnes anglaises, et la demande d’aide à cet égard, est différente de celle en zone urbaine.

Les membres de la police et les commissaires du NRCN se sont inquiétés de recevoir de plus en plus de commentaires identiques de victimes de violence en zone rurale.

Il y avait en effet des similitudes d’un bout à l’autre du pays, des histoires répétées, une absence de services et un manque de compréhension de la nature unique et insidieuse de la violence familiale en milieu rural.

Les chercheurs du NRCN se sont entretenus avec 67 victimes dans sept zones de maintien de l’ordre, dans le Sud, les Midlands et le Nord (Durham, Derbyshire, Devon et Cornwall, Dorset, Lincolnshire, North Yorkshire et Nottinghamshire). 62 personnes étaient des répondantes et sur les 5 hommes interrogés, 3 étaient agressés par des hommes.

Les chercheurs ont également réalisé une série d’entrevues distinctes avec 51 intervenant.e.s socio-judiciaires. L’enquête comprenait un examen de la documentation universitaire, ainsi qu’un sondage auprès d’un groupe distinct de 881 survivant.e.s de violence, recrutées pour la recherche par l’intermédiaire de services de soutien aux victimes. Sur les 881 personnes interrogées, 57 étaient des hommes soit 6,5 %.

Leur rapport Captive & Controlled : Domestic Abuse in Rural Areas, publié le mercredi 17 juillet, constate que la sortie de la violence est plus difficile, prend plus de temps et s’avère plus compliquée pour les victimes dans les zones rurales.

Il existe en effet des obstacles supplémentaires dans les communautés rurales par rapport aux zones urbaines. Les victimes à la campagne sont deux fois moins susceptibles de signaler la violence à d’autres personnes. En outre, elles ont été victimes de violence 25 % plus longtemps, selon le rapport.

Les agresseurs profitent des milieux ruraux pour isoler et contrôler les victimes. Le rapport explique à juste titre que

l’isolement physique est sans doute la meilleure arme dont dispose un agresseur et il a un impact profond sur le sentiment de captivité de la victime.

Les agresseurs déplacent les victimes vers les milieux ruraux pour les isoler davantage, ou utilisent systématiquement l’isolement à leur avantage, si elles vivent déjà dans un endroit isolé. Plus le milieu est rural, plus l’impact de cet isolement s’ajoute à l’isolement financier et social. Non seulement cela aide les agresseurs à contrôler leurs victimes pendant leur relation, mais cela rend aussi plus difficile pour les victimes d’échapper à cette violence.

Une interviewée, exposée à la violence conjugale, analyse :

Chaque fois que nous avions déménagé, c’était pour volontairement couper ma mère de ses relations avec les autres. Notre père avait interdit l’accès aux médias sociaux et contrôlait l’utilisation d’Internet par notre mère. Ses mouvements quotidiens devaient suivre un horaire strict et régulier. Il ne nettoyait jamais la maison, ne faisait jamais le plein d’essence ni les courses à l’épicerie pour s’assurer que notre mère était occupée aux tâches ménagères pendant ses jours de congé, et ne pouvait donc pas passer de temps avec les autres.

Le fort esprit communautaire de ces collectivités rurales très unies, qui est une des joies de la vie rurale, facilite la violence, car il peut être tout aussi puissant à garder la violence familiale cachée.

Il est presque impossible pour une victime de demander de l’aide sans que les autres le sachent, d’appeler la police sans que la collectivité se pose des questions ou même de partager ses craintes avec d’autres en toute confiance.

Une victime raconte :

Vous pensez que la communauté des villages comme celui dans lequel j’ai vécu serait une source de soutien, mais en réalité, personne ne veut s’impliquer dans la vie personnelle d’une autre personne. Dans mon cas, parce qu’il a joué pour l’équipe de cricket du village, il avait le soutien de tout le monde et cela m’a fait me sentir encore plus isolée. C’était comme si personne ne voulait jamais prendre mon parti, alors je me suis retirée dans mon travail au à la maison et avec le temps, je suppose que je suis devenu un peu recluse.

Sans le savoir, la communauté facilite les violences, permettant à l’agresseur d’agir quasiment en toute impunité. Il est également prouvé que les agresseurs « recrutent » délibérément les membres de la communauté à leur cause, ce qui devient un mécanisme pour contrôler et isoler encore plus la victime.

Une autre personne interviewée explique lors de l’enquête :

J’ai eu tellement de mal à trouver quelqu’un à qui parler dans le village. Mais après qu’il m’ait crié dessus au pub ce soir-là, c’était comme si tout le monde s’était éloigné de moi.

Les entretiens approfondis avec les victimes et les survivantes ont révélé une autre réalité cohérente et révélatrice : les communautés rurales sont toujours dominées par les hommes et suivent un ensemble de principes séculaires, protégés et non écrits. Les hommes ont tendance à occuper les postes de pouvoir ruraux – chef de famille, propriétaire foncier, propriétaire terrien, policier, agriculteur. Cette société patriarcale rend les femmes plus vulnérables à la coercition et au contrôle.

Malgré les améliorations apportées ces dernières années, les victimes bénéficient d’un service de qualité inférieure dans les zones rurales. Cela s’explique en partie par le fait qu’il n’y a pas assez de policiers dans les régions rurales, et qu’il y a moins d’agents ayant reçu une formation appropriée en matière de violence familiale.

Une autre victime a dit qu’elle n’avait jamais envisagé d’appeler la police, ajoutant :

Vous n’avez pas vraiment le choix – la police est à au moins une heure de route et si cela se produit un vendredi ou un samedi soir, ce qui a toujours été le cas, elle s’occupe d’autres choses. Je n’ai jamais vraiment envisagé d’appeler la police – à quoi bon ? A ce moment-là, j’avais déjà été frappée, giflée ou frappée de toute façon.

Il a également été constaté lors de cette enquête que la disponibilité des services publics dans les zones rurales est en déclin, ce qui limite l’aide, les réseaux et les voies de secours à la disposition des victimes. Les services de soutien sont non seulement rares, mais également moins disponibles, moins visibles et moins efficaces pour soutenir les victimes, même si des personnes demandent de l’aide.

La ruralité a un impact significatif sur la violence domestique ce qui, à ce jour, a été négligé et ignoré par toutes les parties concernées. La nature même de la violence familiale est identique dans les régions rurales et urbaines. Cependant, la ruralité est une « arme » qui accroît l’isolement, la stigmatisation et la honte dans ces petites communautés, souvent repliées sur elles-même.  Elle crée des obstacles qui, sans une intervention proactive, empêcheront de nombreuses victimes d’avoir accès au soutien et de sortir des violences.

Les conséquences sont importantes  : les victimes et les survivants sont déçus et manquent d’une aide qui pourrait faire la différence quand sa propre survie est en jeu.  Il y a donc un besoin urgent de changement, qui doit être pris au sérieux par les décideurs, ainsi que par les organismes et services de première ligne dans les collectivités rurales. Le NRCN affirme que les résultats de cette étude intensive de 18 mois « sont durs, inquiétants et conduisent à un appel urgent à l’action du gouvernement, de la police, de la société et de nous tous ».

Julia Mulligan, présidente du NRCN et commissaire aux incendies et à la criminalité du North Yorkshire souligne que

ce rapport doit certainement être un catalyseur pour nous aider à mieux protéger les femmes, les enfants et les hommes des communautés rurales qui souffrent quotidiennement du calcul, de la manipulation, du contrôle et de la violence des agresseurs.

Bibliographie :

Fédération Nationale Solidarité Femmes (2016). Les violences faites aux femmes en milieu rural. FNSF.

NRCN. (2019). Captive and controlled : Domestic abuse in rural areas. National Rural Crime Network.

Le Réseau International des Mères en Lutte