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Les conséquences de l’usage de l’aliénation parentale en Espagne

[pour accéder à la traduction cliquer ici ]

Extrait du courrier adressé à l’État espagnol – 24 novembre 2021

En Europe plusieurs institutions alertent concernant l’usage de la pseudo-théorie de l’aliénation parentale. Nous vous proposons de faire le point.

En ce qui concerne les conséquences de l’usage de la notion pour les victimes de violences, des courriers des Nations Unies furent envoyés, à plusieurs reprises, à l’État Espagnol.

« Les tribunaux espagnols doivent protéger les enfants contre la violence domestique et les abus sexuels, affirment les experts de l’ONU »

Le 9 décembre 2021 huit expert-es des Nations Unies publient un document sur leur site web. Les expert-es font le constat que les enfants sont exposés à la violence conjugale et aux abus sexuels en raison d’un système judiciaire qui ne parvient pas à les protéger des pères violents.

Ces expert-es sont : Reem Alsalem, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, Melissa Upreti (présidente), Dorothy Estrada Tanck (vice-présidente), Elizabeth Broderick, Ivana Radačić et Meskerem Geset Techane, membres du Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles, Tlaleng Mofokeng, Rapporteuse spéciale sur le droit à la santé physique et mentale et Nils Melzer, Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Nous déposions le 11 décembre 2021 une rapide traduction de ce document sur les réseaux sociaux :

Réseau International des mères en lutte – Facebook – 11 décembre 2021

Ce courrier vient également d’être souligné par la Docteure Catherine Bonnet et le Docteur Jean-Louis Chabernaud dans la mise à jour de leur pétition, que nous vous invitons à lire.

Les expert-es des Nations Unies suivent la situation espagnole depuis près de dix ans et continuent ainsi d’être informé-es de nouveaux cas de mères qui perdent la résidence de leurs enfants au profit de pères violents.

Réseau International des mères en lutte- Tweeter – 29 mai 2021

Le document revient sur l’usage de l’aliénation parentale dans les situations de violences. Il stipule en effet que « si le concept d’aliénation parentale est théoriquement neutre du point de vue du genre, les recherches menées en Espagne et les avis des experts qui suivent la question ont démontré que dans un certain nombre de pays, dont l’Espagne, des mères ont été régulièrement accusées de recourir à l' »aliénation parentale », en accusant à tort les pères de leurs enfants de commettre des abus sur les enfants dans le cadre de litiges relatifs à la garde ».

Par ailleurs les rapportrices et rapporteurs de l’ONU se montrent particulièrement préoccupé-es par la situation d’une mère et de sa fille.

Le courrier des quatre rapporteurs des Nations Unis du 24 novembre 2021

La communication envoyée le 24 novembre 2021 au gouvernement espagnol par les quatre rapporteurs spéciaux sur la situation de Mme Diana García et de sa fille, dans laquelle l’influence de la théorie de l’aliénation parentale est notée, est rendue publique et annoncée sur Twitter le 26 janvier 2022 par Reem Alsalem.

Reem Alsalem – Tweeter – 26 janvier 2022

Ce courrier de 7 pages, auquel s’ajoutent 7 pages d’annexes est rédigé par Tlaleng Mofokeng, Rapporteuse spéciale sur le droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, Nils Melzer, Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Reem Alsalem, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences et Melissa Upreti, Présidente du Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles.

Diana García et sa fille

Diana García est une victime de violences conjugales. Elle rencontre monsieur en 2006, un enfant va naître en 2015, une petite fille. Le courrier relate les violences et le contrôle coercitif exercés par son ex-partenaire intime (page 1) ainsi que des menaces de mort. Elle a ensuite dénoncé son ex-partenaire, dont elle s’est séparée en 2019, pour avoir abusé sexuellement l’enfant. L’école de l’enfant a signalé en février 2019 les propos de l’enfant. Diverses évaluations médicales et psychologiques au cours des dernières années ont corroboré, d’après les rapporteurs des Nations Unis, la véracité du récit de l’enfant (page 3).

Malgré toutes ces indications, le 12 mars 2021, le tribunal de Pozuelo a clos l’enquête pénale, déclarant que le récit de l’enfant n’était pas plausible (page 3). Les rapports établis par l’équipe psychosociale attachée au tribunal et par la Guardia Civil, ont indiqué que la jeune fille avait donné un témoignage « incohérent et inconsistant » (page 4). Pour cette raison, le jugement de divorce, rendu en juillet 2021, bien qu’il reconnaisse les antécédents de violence sexiste à l’encontre de Mme García, accorde la garde de l’enfant au père et a établi un régime de visite pour la mère au motif que « la mère ferait obstacle aux contacts père-fille, ce qui serait contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant » (page 4).

Les quatre rapporteurs se déclarent « profondément préoccupés par l’intégrité physique et mentale de la mère et de la fillette » (page 4) et par ce qui « semble refléter des tendances plus larges dans le système judiciaire espagnol » qui indiqueraient une interprétation discriminatoire de la loi par les opérateurs juridiques et des travailleurs sociaux « basée sur des préjugés et des stéréotypes de genre » (page 4). Les rapporteurs constatent en effet un « schéma structurel » dans le système judiciaire espagnol qui ne protège pas les enfants et discrimine les femmes.

L’aliénation parentale

La lettre rappelle par ailleurs que la situation de Diana García n’est pas un cas isolé. En effet les Nations Unies ont demandé au gouvernement espagnol des explications sur l’utilisation des stéréotypes de genre dans le système judiciaire et plus particulièrement sur l’utilisation généralisée du syndrome d’aliénation parentale à de nombreuses reprises (page 4).

Les quatre rapporteurs soulignent ainsi que « le raisonnement fondé sur la logique du prétendu syndrome d’aliénation parentale continuerait en pratique à être appliqué dans les décisions judiciaires, punissant les mères qui sont perçues comme empêchant le contact entre les parents et leurs enfants » malgré l’interdiction d’en faire usage depuis la Loi organique 8/2021 sur la protection des enfants et des adolescents contre la violence de juin 2021 (page 4-5).

Les rapporteurs des Nations Unies évoquent les tendances des professionnel-les des tribunaux de la famille à privilégier la coparentalité au détriment de la sécurité des victimes. Pour les rapporteurs ces pratiques affectent « également les résultats des décisions judiciaires, appliquant souvent la logique de l’aliénation parentale dans leur analyse sans la nommer » (page 5). Nous soulignons que la recherche empirique commence à permettre d’appuyer ces inquiétudes.

En Espagne la chercheuse Glòria Casas Vila, citée dans le courrier, montre ainsi à partir de son corpus de thèse que « plusieurs femmes ont été accusées de manipuler les enfants qui ne voulaient pas voir leur père » (Casas Vila, 2019, p. 6). En analysant la jurisprudence et les statistiques judiciaires, la chercheuse conclut en 2019 que les droits des enfants « sont souvent bafoués, subordonnés à ceux de leur père (autorité parentale, droit de garde ou de visite) » (Casas Vila, 2019, p. 8-9).

Le gouvernement espagnol considère néanmoins dans une réponse de 24 pages , adressée au Secrétariat des Nations Unis le 27 janvier 2022, qu’il ne partage pas cette conclusion dans la mesure où il considère qu’il s’agirait de cas isolés (page 22).

Bibliographie :

Casas Vila, G. (2018). Violences machistes et médiation familiale en Catalogne et en Espagne  : enjeux de la mise en œuvre d’un cadre légal d’inspiration féministe [thèse de doctorat en sciences sociales]. Lausanne, Suisse.

Casas Vila, G. (2019). Parental Alienation Syndrome in Spain: opposed by the Government but accepted in the Courts. Journal of Social Welfare and Family Law, 42(1), 45‑55.

Koham M. (2022). La ONU pide explicaciones a España por usar el Síndrome de Alienación Parental y desproteger a una madre y su hija. Publico.

Le Réseau International des Mères en Lutte

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Compte-rendu d’une intervention de Dorothée Dussy sur l’inceste

Nous republions, avec l’accord de l’auteur, ce compte-rendu réalisé en 2015 et récemment mis à jour.

Le blog de Manderley et d'Alex Vigne

Nous publions ce compte-rendu d’une intervention de Dorothée Dussy, anthropologue travaillant notamment sur l’inceste, ayant eu lieu à Brest (à l’Université de Bretagne Occidentale) le 20 novembre 2014. Mise à jour le 5 janvier 2021. Compte-rendu réalisé par Pierre-Guillaume Prigent.

Pour la terre entière, sauf pour le petit monde des anthropologues, l’inceste est un abus sexuel commis sur un-e enfant dans une famille. Ce petit monde des anthropologues parle habituellement de l’interdit de l’inceste : il désigne des règles matrimoniales, des systèmes de parenté, des alliances qui sont interdites. Il s’intéresse aux règles et aux normes, pas à la pratique. Pour Claude Lévi-Strauss, l’interdit de l’inceste signerait le passage de la nature à  la culture, serait la pierre angulaire de l’humanité.

Pour travailler sur l’inceste, dans la vraie vie, quand il arrive, et pas simplement sur des règles de parenté, il faut donc imaginer un autre terrain que les…

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Les mères en lutte, ces oubliées du projet Schiappa

Le projet de loi français porté par Marlène Schiappa ne répond pas aux attentes des survivantes et de leurs soutiens, qu’ils s’agissent de leurs proches, des bénévoles et professionnels qui les accompagnent, dans des conditions souvent précaires. Le gouvernement avait pourtant annoncé à grand bruit vouloir « sanctionner comme il se doit les auteurs de violences sexistes et sexuelles à l’encontre des femmes et des enfants, et de mettre fin à leur impunité ».

Les grandes absentes de ce projet de loi sont les mères protectrices, ces femmes qui, aujourd’hui, tentent de protéger leurs enfants suite à des révélations de violences paternelles, notamment sexuelles. Ces femmes doivent se confronter à une justice pénale et civile ou à une protection de l’enfance perméables aux théories anti-victimaires qui, plutôt que de les protéger, va les accuser d’être sur-protectrices, fusionnelles et de vouloir éloigner les enfants du père. Au terme de procédures longues, coûteuses et violentes, elles les voient remis à l’agresseur, ou bien placés dans des foyers, en tout les cas séparés d’elles, étiquetées, pour des années, « aliénantes ».

Le premier article du projet de loi élargit les délais de prescription, et laisse espérer à des victimes devenues adultes qu’elles pourront obtenir réparation grâce à la justice (sous condition d’une absence de correctionnalisation, car en effet l’allongement des délais ne s’applique qu’aux crimes…). Mais jusqu’à présent, cette justice s’avère plus souvent complice des agresseurs que protectrice des victimes.

Le rajout d’une circonstance aggravante du délit d’ « atteinte sexuelle avec pénétration » va consacrer la correctionnalisation des viols sur les mineurs de 15 ans. Cette pratique, à ranger parmi les stratégies d’occultation de la violence masculine, est déjà permise en France depuis la loi Perben de 2004. En outre, les enfants vont toujours devoir prouver, malgré cette loi, leur absence de consentement à un acte sexuel avec un adulte. Ils vont ainsi continuer à porter sur leurs épaules la responsabilité du crime lorsque le viol sera requalifié en atteinte sexuelle, ce que l’agresseur cherchait par ailleurs à obtenir en inversant la culpabilité : « tu as consenti à ce qui est arrivé, ce n’est pas un viol ».

L’hypocrisie de cette loi, c’est de faire croire qu’il suffira de mesurettes déconnectées de la réalité pour en finir avec l’impunité des agresseurs, alors que le système a besoin d’être changé en profondeur. Que les intervenant.e.s socio-judiciaires prennent en compte le continuum des violences faites aux femmes et aux enfants (appropriation et contrôle du corps et de la sexualité, contrôle coercitif, corruption de mineurs, agressions sexuelles, viols), que l’ensemble de la chaîne auprès des victimes enlève le sable de ses yeux avec une lecture féministe des violences, pour laquelle céder n’est pas consentir, et pour laquelle les violences trouvent leur origine dans la domination masculine.

Nous exigeons que de telles violences n’arrivent plus, à l’heure où nous écrivons, et que lumière soit faite sur les violences commises, aujourd’hui, au sein des foyers. Que les violences  incestueuses cessent, et qu’on ne se contente plus de saluer avec gêne la force de celleux qui y ont survécu. Mais nous savons qu’il est socialement plus convenu d’honorer le courage de figures que l’on relègue au passé, que de soutenir le combat des enfants qui dévoilent des violences et des mères en lutte, ici et maintenant. La lutte de ces femmes, amorcée en 1999 à Lyon suite à l’incarcération d’une mère pour non-présentation d’enfant, n’a guère évolué en 2018.

Nous soutenons les actions et les initiatives qui viseront à dénoncer la dangerosité et l’insuffisance de cette loi, véritable bouée crevée. Nous estimons que seule une approche féministe, et donc politique, des violences faites aux femmes et aux enfants permettra de les éradiquer et sous condition qu’elle soit accompagnée d’un soutien matériel à celles qui combattent, bien souvent seules, le système patriarcal.

Le Réseau International des Mères en Lutte