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Rejet de la notion d’ « aliénation parentale » par les expert-es du MESECVI

Extrait du Communiqué de presse du 12 août 2022

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L’usage de l’aliénation parentale1 fait l’objet non seulement de critiques quant à ses fondements théoriques et idéologiques, mais également de préoccupations pour la sécurité des victimes de violences de genre dans sa mobilisation dans les procédures socio-judiciaires.

En Europe la résolution du parlement européen sur les conséquences des violences conjugales et des droits de garde sur les femmes et les enfants, puis le troisième rapport général du GREVIO2 (GREVIO, 2022, p. 47-56) soulignent que la minimisation des violences devant les tribunaux aux affaires familiales est liée à l’utilisation de cette notion.

Sur une partie du continent américain, en Amérique Latine et aux Caraïbes, le comité d’expert-es du MESECVI, chargé de l’analyse et de l’évaluation du processus de mise en œuvre de la Convention interaméricaine de Belém do Pará, alerte à son tour des conséquences de la mobilisation de la notion d’aliénation parentale dans un communiqué de presse co-rédigé avec Reem Alsalem3, rapporteure spéciale des Nations Unis.

La Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme (Convention Belém do Pará)

L’élaboration de la Convention Belém do Pará a lieu au moment de la Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes des Nations Unis (Landro, 2015, p. 83). Il s’agit du « premier traité international qui reconnaît que la violence contre la femme est une violation des droits fondamentaux et la définit de façon détaillée » (Landro, 2015, p. 84).

Cette convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme (ou Convention Belém do Pará) est rédigée le 9 juin 1994 au Brésil, à Belém do Pará, lors de la vingt-quatrième session ordinaire de l’Assemblée Générale de l’Organisation des États américains. Elle est ensuite adoptée le 6 septembre 1994 puis entre en vigueur le 5 mars 1995.

Les pays membres de l’Organisation des États Américains, à l’exception du Canada et des États-Unis, ont tous ratifié ou adhéré à la Convention Belém do Pará. Les pays qui l’ ont ratifié sont donc : Argentine, Barbade, Bolivie, Brésil, Chili, Costa Rica, Dominique, Équateur, El Salvador, Grenade, Guatemala, Guyana, Honduras, Jamaïque, Mexique, Nicaragua, Panama, Paraguay, Pérou, République dominicaine, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie, Suriname, Trinité-et-Tobago, Uruguay, Venezuela. Antigua-et-Barbuda, Bahamas, Belize, Colombie, Haïti ont quant à eux adhéré à la Convention.

Cet instrument novateur, juridique et contraignant est constitué de cinq chapitres et vingt-cinq articles. La Convention Belém do Pará reconnaît dans son préambule que les violences contre les femmes4 est une violation des droits de l’homme et des libertés fondamentales, nous soulignons :

RECONNAISSANT que le respect illimité des droits de l’homme a été consacré dans la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme et dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, et qu’il a été réaffirmé dans d’autres instruments internationaux et régionaux ;

AFFIRMANT que la violence contre la femme constitue une violation des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en même temps qu’elle impose totalement ou partiellement des restrictions à la reconnaissance, la jouissance et l’exercice de ces droits ;

PRÉOCCUPÉS par le fait que la violence contre la femme constitue une offense à la dignité humaine et est une manifestation des rapports de pouvoir historiquement inégaux entre les hommes et les femmes ;

RAPPELANT la Déclaration sur l’élimination de la violence contre la femme, adoptée par la vingt-cinquième Assemblée des délégués de la Commission interaméricaine des femmes, et affirmant que la violence contre la femme touche tous les secteurs de la société, quels que soient leur classe sociale, leur race ou groupe ethnique, leur niveau de revenus, leur culture, leur âge ou leur religion, et a des incidences sur ses bases mêmes ;

CONVAINCUS que l’élimination de la violence contre la femme est indispensable à son épanouissement individuel et social et à sa participation pleine et égalitaire à toutes les sphères d’activité de la vie ;

CONVAINCUS que l’adoption d’une convention visant à prévenir, à sanctionner et à éliminer toutes les formes de violence contre la femme dans le cadre de l’Organisation des États Américains, contribue de manière constructive à la protection des droits de la femme et à l’élimination des situations de violence qui pourraient l’affecter […]

En ce qui concerne la nature des violences, la Convention Belém do Pará en donne une définition « incluant ses diverses modalités : physiques, sexuelles et psychologiques » (Landro, 2015, p. 84). Elle réaffirme par ailleurs dans l’article 5 que ces violences faisaient obstacles aux droits des femmes :

Article 5 :

Toute femme peut exercer librement et pleinement ses droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels et se prévaloir de la protection totale des droits consacrés dans les instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’homme. Les États parties reconnaissent que la violence contre la femme entrave et annule l’exercice de ces droits.

Les États parties sont enfin contraints par les articles 7 et 8 à adopter « par tous les moyens appropriés et sans délais injustifiés, une politique visant à prévenir, à sanctionner et à éliminer » les violences faites aux femmes.

La mise en œuvre de ce traité nécessite un processus d’évaluation et de soutien. Le MESECVI est alors créé en 2004 : il est composé d’expert-es indépendant-es, nommé-es par chacun des États parties parmi leurs ressortissants, qui exercent leurs fonctions à titre personnel.

Le Comité d’expert-es du MESECVI et la rapporteure spéciale des Nations Unies rejettent l’usage de l’aliénation parentale

Le 12 août 2022 le MESECVI et Reem Alsalem « expriment leur inquiétude quant à l’utilisation illégitime du concept de syndrome d’aliénation parentale à l’encontre des femmes » et engagent la responsabilité des États signataires de la Convention de Bélem.

Tweet du 12 août 2022 du MESECVI

Leur communiqué de presse stipule que

l’utilisation du concept controversé de syndrome d’aliénation parentale à l’encontre des femmes lorsqu’elles dénoncent des violences sexistes à leur encontre, ou à l’encontre de leurs filles et de leurs fils, fait partie du continuum de la violence fondée sur le genre et pourrait engager la responsabilité des États en matière de violence institutionnelle.

En effet ces expert-es ont eu connaissance de nombreuses situations où des instances judiciaires avaient pris en compte la notion d’aliénation parentale. Les principales conséquences de cet usage sont le transfert de la résidence des enfants chez le père accusé de violences ou l’imposition d’une garde partagée même dans les situations où la mère et les enfants courent un risque pour leur sécurité.

De fait le MESECVI et la Rapporteure spéciale Reem Alsalem « invitent instamment les États parties […] à mener des enquêtes rapides et exhaustives pour déterminer l’existence de la violence à l’égard des femmes et à interdire explicitement l’utilisation, au cours des procédures judiciaires, de preuves visant à discréditer un témoignage fondé sur le syndrome d’aliénation parentale, comme le recommande la ‘Déclaration sur la violence à l’égard des femmes, des filles et des adolescentes et sur leurs droits sexuels et reproductifs‘ ».

Ils « exhortent les États à éliminer l’utilisation de ce syndrome pour éviter de placer tant les enfants que les mères dans une situation de grande vulnérabilité ». Ils recommandent enfin « de donner la priorité aux principes de l’intérêt supérieur de l’enfant, de l’égalité entre les hommes et les femmes et d’agir avec la diligence requise, ainsi que d’inclure la perspective de genre et intersectionnelle ».

En parallèle, des promoteurs de la notion d’ aliénation parentale par l’intermédiaire du Parental Alienation Study Group envisagent de faire pression, de nouveau, pour l’inclure dans le DSM-5-TR sous une nouvelle appellation, à savoir le PARP (Parental Alienation Relational Problem). William Bernet et Amy Baker viennent de rédiger un document où ils proposent que l’aliénation parentale soit considérée comme un problème relationnel dans le chapitre du DSM-5-TR intitulé ‘Autres affections pouvant faire l’objet d’une attention clinique’. Ils demandent que « la formulation proposée pour le problème relationnel d’aliénation parentale (PARP) [soit incluse sous le terme] Z62.898 Problème relationnel d’aliénation parentale » (Bernet & Baker, 2022, p. 2).

Si la sécurité et la liberté des victimes de violences de genre sont au cœur des préoccupations des ONG, des institutions comme le MESECVI, le GREVIO, et des rapporteur-es de Nations Unies, les partisans de la notion d’aliénation parentale adaptent leurs discours et leurs stratégies face aux mises en garde légitimes, et d’une ampleur croissante dans le monde.

  1. Nous écrirons aliénation parentale tout au long du texte. Face aux critiques, les partisans de la reconnaissance du « syndrome » suppriment le terme, pour autant l’origine et le sens n’en sont pas fondamentalement changés.
  2. Le GREVIO est l’organe spécialisé indépendant qui est chargé de veiller à la mise en œuvre, par les Parties, de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul). Il élabore et publie des rapports dans lesquels il évaluera les mesures d’ordre législatif et autres prises par les Parties pour donner effet aux dispositions de la Convention.
  3. Reem Alsalem a été nommée, par le Conseil des droits de l’homme en juillet 2021 de l’ONU, Rapporteure spéciale des Nations unies sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences. Son mandat pour trois ans a débuté le 1er août 2021.
  4. Le texte de la Convention de Bélem parle de violence contre la femme, nous indiquerons dans l’article « violences contre les femmes » dans la présentation du traité.

Bibliographie

Bernet, William & Baker, Amy (22 août 2022). Proposal for Parental Alienation Relational Problem to be Included in “Other Conditions That May Be a Focus of Clinical Attention”
in DSM-5-TR. Repéré à https://pasg.info/app/uploads/2022/08/Proposal-2022-08-22.pdf Consulté le 23 août 2022.

Committee of Experts of the Follow-up Mechanism to the Belém do Pará Convention (MESECVI) (2014). Declaration on violence against women, girls and adolescents and their sexual and reproductive rights. Repéré à https://belemdopara.org/wp-content/uploads/2021/12/DeclaracionDerechos-EN.pdf Consulté le 12 août 2022.

Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme (Convention Belém do Pará) (1994). Repéré à http://cidh.oas.org/Basicos/French/m.femme.htm Consulté le 12 août 2022.

GREVIO (2022). 3ème Rapport général sur les activités du GREVIO. Repéré à https://www.coe.int/fr/web/istanbul-convention/-/3rd-general-report-on-grevio-s-activities Consulté le 14 juin 2022.

MESECVI & the Special Rapporteur on Violence against Women and Girls of the United Nations (12 août 2022). The Committee of Experts of the MESECVI and the Special Rapporteur on Violence against Women and Girls of the United Nations express their concern about the illegitimate use of the concept of parental alienation syndrome against women. Repéré à https://belemdopara.org/wp-content/uploads/2022/08/Communique-Parental-Alienation.pdf Consulté le 12 août 2022.

Lando, Sandra (2015). La Perspective de Genre dans la Jurisprudence Interamericaine en Application de la Convention Belem Do Para. Revue québécoise de droit international/Quebec Journal of International Law/Revista quebequense de derecho internacional, 28(2), 81-111.

Résolution du Parlement européen du 6 octobre 2021 sur les conséquences des violences conjugales et des droits de garde sur les femmes et les enfants. Repéré à https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2021-0406_FR.html Consulté le 6 octobre 2021.

Gwénola Sueur, Réseau International des Mères en Lutte, 24 août 2022

Pour citer cet article :

Sueur, G. (24 août 2022). Rejet de la notion d’ « aliénation parentale » par les expert-es du MESECVI, Réseau International des Mères en Lutte. Repéré à https://reseauiml.wordpress.com/2022/08/24/rejet-de-la-notion-d-alienation-parentale-par-les-expert-es-du-mesecvi/ [billet de blog].

Maj : 10 décembre 2022

Le Conseil fédéral du service social brésilien (CFESS) s’est positionné par rapport à la loi Aliénation Parentale (12.318/2010). Le CFESS est un organisme publique fédérale qui a pour attribution d’orienter, de discipliner, de réguler, de superviser et de défendre l’exercice professionnel des travailleurs sociaux au Brésil, conjointement avec les Conseils régionaux du service social (CRESS). Son positionnement fait suite à une réunion en février 2022 qui a mis en évidence les conséquences dans les domaines scientifiques, juridiques, politiques et sociaux de la loi 12.318/2010. Une note technique de 30 pages informe désormais les travailleurs sociaux et les invite à ne plus utiliser cette notion. Le CFESS demande également en conclusion de la note (page 27) l’abrogation de la loi 12.318/2010.

Tweet du 8 décembre 2022 du CFESS – Conselho Federal de Servico Social









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Les conséquences de l’usage de l’aliénation parentale en Espagne

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Extrait du courrier adressé à l’État espagnol – 24 novembre 2021

En Europe plusieurs institutions alertent concernant l’usage de la pseudo-théorie de l’aliénation parentale. Nous vous proposons de faire le point.

En ce qui concerne les conséquences de l’usage de la notion pour les victimes de violences, des courriers des Nations Unies furent envoyés, à plusieurs reprises, à l’État Espagnol.

« Les tribunaux espagnols doivent protéger les enfants contre la violence domestique et les abus sexuels, affirment les experts de l’ONU »

Le 9 décembre 2021 huit expert-es des Nations Unies publient un document sur leur site web. Les expert-es font le constat que les enfants sont exposés à la violence conjugale et aux abus sexuels en raison d’un système judiciaire qui ne parvient pas à les protéger des pères violents.

Ces expert-es sont : Reem Alsalem, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, Melissa Upreti (présidente), Dorothy Estrada Tanck (vice-présidente), Elizabeth Broderick, Ivana Radačić et Meskerem Geset Techane, membres du Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles, Tlaleng Mofokeng, Rapporteuse spéciale sur le droit à la santé physique et mentale et Nils Melzer, Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Nous déposions le 11 décembre 2021 une rapide traduction de ce document sur les réseaux sociaux :

Réseau International des mères en lutte – Facebook – 11 décembre 2021

Ce courrier vient également d’être souligné par la Docteure Catherine Bonnet et le Docteur Jean-Louis Chabernaud dans la mise à jour de leur pétition, que nous vous invitons à lire.

Les expert-es des Nations Unies suivent la situation espagnole depuis près de dix ans et continuent ainsi d’être informé-es de nouveaux cas de mères qui perdent la résidence de leurs enfants au profit de pères violents.

Réseau International des mères en lutte- Tweeter – 29 mai 2021

Le document revient sur l’usage de l’aliénation parentale dans les situations de violences. Il stipule en effet que « si le concept d’aliénation parentale est théoriquement neutre du point de vue du genre, les recherches menées en Espagne et les avis des experts qui suivent la question ont démontré que dans un certain nombre de pays, dont l’Espagne, des mères ont été régulièrement accusées de recourir à l' »aliénation parentale », en accusant à tort les pères de leurs enfants de commettre des abus sur les enfants dans le cadre de litiges relatifs à la garde ».

Par ailleurs les rapportrices et rapporteurs de l’ONU se montrent particulièrement préoccupé-es par la situation d’une mère et de sa fille.

Le courrier des quatre rapporteurs des Nations Unis du 24 novembre 2021

La communication envoyée le 24 novembre 2021 au gouvernement espagnol par les quatre rapporteurs spéciaux sur la situation de Mme Diana García et de sa fille, dans laquelle l’influence de la théorie de l’aliénation parentale est notée, est rendue publique et annoncée sur Twitter le 26 janvier 2022 par Reem Alsalem.

Reem Alsalem – Tweeter – 26 janvier 2022

Ce courrier de 7 pages, auquel s’ajoutent 7 pages d’annexes est rédigé par Tlaleng Mofokeng, Rapporteuse spéciale sur le droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, Nils Melzer, Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Reem Alsalem, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences et Melissa Upreti, Présidente du Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles.

Diana García et sa fille

Diana García est une victime de violences conjugales. Elle rencontre monsieur en 2006, un enfant va naître en 2015, une petite fille. Le courrier relate les violences et le contrôle coercitif exercés par son ex-partenaire intime (page 1) ainsi que des menaces de mort. Elle a ensuite dénoncé son ex-partenaire, dont elle s’est séparée en 2019, pour avoir abusé sexuellement l’enfant. L’école de l’enfant a signalé en février 2019 les propos de l’enfant. Diverses évaluations médicales et psychologiques au cours des dernières années ont corroboré, d’après les rapporteurs des Nations Unis, la véracité du récit de l’enfant (page 3).

Malgré toutes ces indications, le 12 mars 2021, le tribunal de Pozuelo a clos l’enquête pénale, déclarant que le récit de l’enfant n’était pas plausible (page 3). Les rapports établis par l’équipe psychosociale attachée au tribunal et par la Guardia Civil, ont indiqué que la jeune fille avait donné un témoignage « incohérent et inconsistant » (page 4). Pour cette raison, le jugement de divorce, rendu en juillet 2021, bien qu’il reconnaisse les antécédents de violence sexiste à l’encontre de Mme García, accorde la garde de l’enfant au père et a établi un régime de visite pour la mère au motif que « la mère ferait obstacle aux contacts père-fille, ce qui serait contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant » (page 4).

Les quatre rapporteurs se déclarent « profondément préoccupés par l’intégrité physique et mentale de la mère et de la fillette » (page 4) et par ce qui « semble refléter des tendances plus larges dans le système judiciaire espagnol » qui indiqueraient une interprétation discriminatoire de la loi par les opérateurs juridiques et des travailleurs sociaux « basée sur des préjugés et des stéréotypes de genre » (page 4). Les rapporteurs constatent en effet un « schéma structurel » dans le système judiciaire espagnol qui ne protège pas les enfants et discrimine les femmes.

L’aliénation parentale

La lettre rappelle par ailleurs que la situation de Diana García n’est pas un cas isolé. En effet les Nations Unies ont demandé au gouvernement espagnol des explications sur l’utilisation des stéréotypes de genre dans le système judiciaire et plus particulièrement sur l’utilisation généralisée du syndrome d’aliénation parentale à de nombreuses reprises (page 4).

Les quatre rapporteurs soulignent ainsi que « le raisonnement fondé sur la logique du prétendu syndrome d’aliénation parentale continuerait en pratique à être appliqué dans les décisions judiciaires, punissant les mères qui sont perçues comme empêchant le contact entre les parents et leurs enfants » malgré l’interdiction d’en faire usage depuis la Loi organique 8/2021 sur la protection des enfants et des adolescents contre la violence de juin 2021 (page 4-5).

Les rapporteurs des Nations Unies évoquent les tendances des professionnel-les des tribunaux de la famille à privilégier la coparentalité au détriment de la sécurité des victimes. Pour les rapporteurs ces pratiques affectent « également les résultats des décisions judiciaires, appliquant souvent la logique de l’aliénation parentale dans leur analyse sans la nommer » (page 5). Nous soulignons que la recherche empirique commence à permettre d’appuyer ces inquiétudes.

En Espagne la chercheuse Glòria Casas Vila, citée dans le courrier, montre ainsi à partir de son corpus de thèse que « plusieurs femmes ont été accusées de manipuler les enfants qui ne voulaient pas voir leur père » (Casas Vila, 2019, p. 6). En analysant la jurisprudence et les statistiques judiciaires, la chercheuse conclut en 2019 que les droits des enfants « sont souvent bafoués, subordonnés à ceux de leur père (autorité parentale, droit de garde ou de visite) » (Casas Vila, 2019, p. 8-9).

Le gouvernement espagnol considère néanmoins dans une réponse de 24 pages , adressée au Secrétariat des Nations Unis le 27 janvier 2022, qu’il ne partage pas cette conclusion dans la mesure où il considère qu’il s’agirait de cas isolés (page 22).

Bibliographie :

Casas Vila, G. (2018). Violences machistes et médiation familiale en Catalogne et en Espagne  : enjeux de la mise en œuvre d’un cadre légal d’inspiration féministe [thèse de doctorat en sciences sociales]. Lausanne, Suisse.

Casas Vila, G. (2019). Parental Alienation Syndrome in Spain: opposed by the Government but accepted in the Courts. Journal of Social Welfare and Family Law, 42(1), 45‑55.

Koham M. (2022). La ONU pide explicaciones a España por usar el Síndrome de Alienación Parental y desproteger a una madre y su hija. Publico.

Le Réseau International des Mères en Lutte