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Les stratégies des hommes pour maintenir le contrôle après la séparation / ECDV

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En septembre 2019, nos co-fondateur.ice.s ont assisté (et présenté une communication) à l’European Conference On Domestic Violence (ECDV) à Oslo, en Norvège. L’ECDV est conçue pour les chercheur.e.s, les praticien.ne.s et les décideur.euse.s politiques. La conférence se concentre sur la compréhension de la violence domestique, la prévention et les interventions, la politique. Les deux précédentes conférences européennes eurent lieu à Belfast en 2015, puis à Porto en 2017. Des membres de notre structure avaient déjà assisté à l’ECDV à Porto, en 2017, pendant une semaine. Un comité scientifique, après un appel à communication, sélectionne les interventions qui seront présentées lors de chaque conférence européenne.

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Présentation de l’ECDV à Oslo par Carolina Øverlien, NKVTS, 2 septembre 2019.

Lors de cette troisième ECDV qui eut lieu du 1er au 4 septembre, de nombreuses communications furent consacrées aux violences après la séparation :

Un focus fut porté sur le blâme envers les mères dans les tribunaux de la famille ou dans le cadre de la médiation familiale, et sur leur pathologisation avec l’usage du syndrome d’aliénation parentale. La difficulté des mères à protéger leurs enfants, après la séparation, fut également mise en avant.

L’étude intitulée « Using Children to Strike Mothers After Separation : Fathers’ Strategies for Maintaining Control » de Mariachiara Feresin, Federica Bastiani et Patrizia Romito, de l’Université de  Trieste en Italie, fut présentée par l’intermédiaire d’un poster détaillé.

Un article reprenant les résultats avait précédemment été publié en juin 2019 sous le  titre « The Involvement of Children in Postseparation Intimate Partner Violence in Italy: A Strategy to Maintain Coercive Control? »

Le but de cette étude était d’analyser les stratégies des agresseurs pour maintenir le contrôle sur leur femme, après la séparation, ainsi que l’implication des enfants dans ce processus.

La violence à l’égard des femmes se poursuit souvent après la séparation. L’implication des enfants dans la violence conjugale est désormais mieux connue, néanmoins aucune étude n’avait jusqu’à lors examiné la place des enfants dans la violence, après la séparation, en Europe du Sud.

Les chercheuses ont réalisé une étude quantitative en deux temps, à 18 mois d’intervalles, en interrogeant par questionnaire des femmes dans 5 centres anti-violence du Nord de l’Italie (151 + 91). 15 % de ces femmes n’ont pas d’enfant. Elles ont également réalisé une étude qualitative à l’aide d’entretiens auprès de 13 femmes, dans ces mêmes centres.

Les résultats des deux études ont montré que les femmes subissaient des niveaux élevés de violence et que les enfants étaient très impliqués. Les femmes ayant des enfants, et qui ne vivaient plus avec le partenaire violent, subissaient des menaces, des violences, des formes de manipulation et des comportements de contrôle lors des contacts père-enfant.  78,9 % des femmes de l’enquête longitudinale et les 13 femmes de l’étude qualitative ont signalé au moins un de ces comportements.

L’étude qualitative a permis ensuite de découvrir certaines stratégies spécifiques aux auteurs de violences qui visent à maintenir un contrôle coercitif sur l’ex-partenaire :

  • il culpabilise
  • il  menace
  • il dénigre et discrédite
  • il appauvrit
  • il empêche son ex-femme ou conjointe de mener une vie normale
  • il tente de détruire le lien mère-enfant

L’étude montre que 70, 1% des mères avaient peur que le père soit violent avec l’enfant. En outre la moitié des femmes (52 %) craignaient le transfert de résidence de l’enfant, le père violent étant dans la toute puissance puisque la violence post-séparation reste mal identifiée par les services socio-judiciaires.

Les résultats de cette étude ont permis de mieux comprendre les mécanismes du contrôle coercitif et de la violence après la séparation ainsi que la manière dont les auteurs de violences utilisent les enfants pour atteindre leurs objectifs.

Les chercheuses recommandent aux professionnels qui s’occupent de ces questions dans les secteurs socio-judiciaires d’accorder plus d’attention à la protection des femmes victimes de violence et de leurs enfants, et de garantir leurs droits.

Le Réseau International des Mères en Lutte

PS : Nous sommes flatté.es que notre travail soit traduit. Néanmoins pourriez-vous nous demander la permission avant d’effectuer toute traduction. Merci.

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Xavier Legrand : « En tant que citoyen, je me sens directement concerné par ce grave problème, et ce, d’autant plus parce que je suis un homme. »

Le blog de Manderley et d'Alex Vigne

Le couple Besson divorce. Pour protéger son fils d’un père qu’elle accuse de violences, Myriam demande la garde exclusive. La juge aux affaires familiales en charge du dossier accorde une garde partagée au père, ne sachant pas identifier le contrôle coercitif d’Antoine. Julien, leur petit garçon, va tout faire pour empêcher que le pire n’arrive. Sorti le 7 février 2018 en France, le film de Xavier Legrand Jusqu’à la garde, nous fait vivre la réalité de la violence post-séparation. Sollicité pour répondre aux questions de Gwénola Sueur le réalisateur nous plonge au coeur du processus de création d’une oeuvre exceptionnelle.

Gwénola Sueur : Les violences conjugales post-séparation affectent un nombre important de femmes et d’enfants et la séparation représente un risque accru de dangerosité. Ainsi en 2017 en France 131 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-compagnon, essentiellement par arme à feu. 13 enfants ont été tués…

Voir l’article original 3 405 mots de plus

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Contrôler les femmes après la séparation ou « l’impossible rupture »

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La Belgique a signé en 2012, puis ratifié en 2016, la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul). Depuis le mois de janvier 2019 le blog « Stop Féminicides » a répertorié 16 femmes tuées, « des femmes tuées parce qu’elles sont femmes » ;  4 enfants ont également été tués dans un contexte de violences conjugales, dont 2 en même temps que leur mère.

Depuis 2001, les acteurs/trices politiques se sont accordé.e.s sur une définition commune de la violence conjugale :

Les violences dans les relations intimes sont un ensemble de comportements, d’actes, d’attitudes de l’un des partenaires ou ex-partenaires qui visent à contrôler et dominer l’autre. Elles comprennent les agressions, les menaces ou les contraintes verbales, physiques, sexuelles, économiques, répétées ou amenées à se répéter portant atteinte à l’intégrité de l’autre et même à son intégration socioprofessionnelle. Ces violences affectent non seulement la victime, mais également les autres membres de la famille, parmi lesquels les enfants. Elles constituent une forme de violence intrafamiliale. Il apparaît que dans la grande majorité, les auteurs de ces violences sont des hommes et les victimes, des femmes. Les violences dans les relations intimes sont la manifestation, dans la sphère privée, des relations de pouvoir inégal entre les femmes et les hommes encore à l’œuvre dans notre société.

Or, dans le Rapport alternatif de la coalition « Ensemble contre les violences » envoyé au Grevio, en février 2019, les organisations de terrain constatent à travers leur pratique que la Belgique ne respecte pas ses obligations en matière de lutte contre les violences faites aux femmes.

En ce qui concerne spécifiquement les violences après la séparation, ce rapport rapporte que les autorités judiciaires estiment, la plupart du temps, que les violences à l’égard de la mère ne signifient pas que les enfants fassent également  l’objet de violences. Ils estiment souvent que les violences cessent, lors de la séparation. Les juges ont ainsi tendance à considérer qu’un mauvais mari n’est pas forcément un mauvais père.

En cas de séparations conflictuelles, la loi du 18 juillet 2006 en matière d’hébergement alterné égalitaire, implique d’opter de manière préférentielle pour une résidence en alternance.

La loi de 2006 ne prévoit aucune exception au principe de l’hébergement égalitaire, en cas de violence, et l’appréciation des violences et de leurs conséquences est laissée aux juges. Cette loi rend alors très difficile la protection des victimes de violences puisque l’orientation prise dans ces dossiers est de maintenir à tout prix un lien entre le parent violent et ses enfants. 

Il est à noter que les travaux préparatoires à cette loi font explicitement référence au Syndrome d’ Aliénation Parentale :

Avantages de l’hébergement égalitaire : l’hébergement égalitaire évite les risques de : […] une influence assez grande du parent à hébergement principal pour que l’enfant puisse développer un syndrome d’aliénation parentale (SAP). (extrait du Projet de loi du 17 mars 2005, amendement n° 51-1673/014)

Le rapport alternatif de la coalition « Ensemble contre les violences » (page 79) souligne, en ce qui concerne le SAP  :

Quant au Syndrome d’Aliénation Parentale invoqué dans les travaux préparatoires de la loi de 2006 et utilisé dans la jurisprudence, outre qu’il n’a aucun fondement scientifique, il renforce les droits des parents violents sous prétexte que l’enfant doit se construire avec ses deux parents et perpétue l’idée que les fausses allégations sont nombreuses et que les violences conjugales sont rares. Cette idée a tendance à discréditer la parole des femmes et des enfants et établit une confusion entre conflit et violence conjugale. En conclusion, le SAP contribue au bâillonnement des femmes et des enfants.

Peu de temps après la publication de ce rapport, les premiers résultats d’une étude en Fédération Wallonie-Bruxelles confirme que pour la majorité des femmes victimes de violences conjugales, ces violences perdurent après la séparation (1).

Emmanuelle Mélan  est chercheuse en criminologie à l’UCL et travaille à mi-temps au collectif et refuge pour femmes victimes de violences conjugales (ASBL Solidarité Femmes) de La Louvière, présidé par Josiane Coruzzi.

Emmanuelle Mélan a réalisé des entretiens auprès de femmes. Elle a ensuite complété ses entretiens par un questionnaire. 79 % des femmes sondées déclarent encore subir des violences après une séparation, celles-ci pouvant remonter à plus de 5 ans.

Les résultats montrent que les violences post-séparation sont occasionnellement physiques. Elles sont surtout d’ordre psychologique et moral (harcèlement, contrôle, menaces de violences physiques ou de mort, dénigrement auprès des enfants, alliance avec ces derniers ou avec l’entourage) en vue de nuire et porter atteinte à l’intégrité psychique des femmes. L’étude montrent que les violences sont également d’ordre économique (non respect de paiement de la pension alimentaire).

Par ailleurs, l’étude met en avant que les enfants sont les instruments du continuum des violences lors des procédures juridiques. En effet 80 % de femmes ont dû faire face à un partenaire qui, par une attitude non collaborative, a rendu la procédure difficile, de manière régulière voire constante. Les femmes concernées sont près de la moitié à avoir répondu que monsieur avait tout le temps eu un comportement déstabilisant visant à rendre les choses pénibles. Il utilise alors essentiellement les enfants afin d’arriver à ses fins.

La chercheuse dénombre par ailleurs quatre stratégies violentes et anxiogènes pour la mère, stratégies utilisées de manière permanente (tout le temps) ou régulière (souvent) :

  • menacer de faire perdre la garde des enfants (80 % des dossiers) ;
  • utiliser l’enfant pour contrôler et piéger la mère (89 %) ;
  • faire alliance avec l’enfant contre la mère (92 %) ;
  • faire de fausses allégations et dénigrer (92 %).

Enfin l’étude souligne que  la peur continue à être présente chez un tiers de ces femmes,  peur qui est encore plus présente (43 %)  lorsqu’il s’agit de la sécurité de leur(s) enfant(s).

En ce qui concerne les droits de visite et la sécurité le rapport alternatif de la coalition « Ensemble contre les violences » recommande de :

  • former les juges et avocats, ainsi que les professionnel.le.s de la sphère psychosociale aux mécanismes des violences et à la différence entre conflit et violence, à leur persistance après la séparation et à leurs impacts sur les enfants ;
  • modifier la loi de 2006 sur « l’hébergement égalitaire » de façon à ce que l’impact des violences conjugales sur les enfants soit pris en considération par les magistrat.e.s dans les décisions relatives au droit de garde, à l’hébergement, à l’exercice de l’autorité parentale et aux droits de visite (lieux sécurisés, horaires adéquats, etc.).

Les  mardi l’ASBL Solidarité Femmes organise à La Louvière un colloque international sur la question des violences post-séparation :

L’impossible rupture. Penser la sécurité des femmes et des enfants en contexte de violences conjugales post-séparation

L’association a invité un panel d’experts internationaux (France, Italie, Canada) à faire part de leur expérience, des recherches qu’ils ont menées et des bonnes pratiques qui ont cours dans leur pays sur la question des violences post-séparation. Nous y serons.

Le Réseau International des Mères en Lutte

(1) : Mélan, E., « Les violences post séparation en Fédération Wallonie-Bruxelles. État de la question, témoignages et recommandations pour penser la sécurité des victimes », première partie, réalisée avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Novembre 2018, Solidarité Femmes ASBL, La Louvière, 80 pages. Publication en cours.

Mélan, E. (2019). Chronique de criminologie. Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, 2(2), 489-503.

[Maj : comme pour nos autres articles des éléments sont mobilisés dans des publications (rapport, communiqué de presse, chapitre d’ouvrages sans peer review) sans que nous ne soyions ensuite correctement cité-es ou ne donnions notre accord pour une éventuelle traduction]